Encadrement des loyers : près d’un tiers des annonces illégales
Malgré les efforts pour renforcer l’encadrement des loyers, il ressort de notre enquête qu’encore trop de bailleurs ne respectent pas la loi.
L’encadrement des loyers, permis sous forme d’expérimentation par la loi Elan, consiste dans les zones les plus tendues à plafonner le loyer maximum auquel un bailleur peut proposer un logement compte tenu de ceux pratiqués pour des biens similaires (localisation géographique du logement, caractère meublé ou non de la location) et les caractéristiques du logement (nombre de pièces principales, période de construction). Son objectif est de limiter les abus pour protéger les locataires, notamment ceux des petites surfaces plus fréquemment concernées par des loyers exorbitants que la qualité du logement ne justifie pas.
La CLCV a vérifié dans quelles conditions l’encadrement des loyers est respecté, tant par les particuliers que par les professionnels, à Paris et en Seine-Saint-Denis. Sur les 1 800 annonces relevées entre octobre 2022 et août 2023, 69 % sont conformes à la loi. C’est le meilleur résultat depuis 2015. La progression est particulièrement notable à Paris, dont 77 % des annonces sont conformes, soit 8 points de plus par rapport à 2021.
En revanche, seulement 60 % des annonces sont conformes en Seine-Saint-Denis, un résultat identique à celui de 2021.
Un bon résultat général qui ne doit pas occulter que plus d’un tiers des annonces sont illégales et que la situation s’est dégradée sur certains aspects.
Des loyers indécents
En moyenne 143,68 € par mois sont réclamés en toute illégalité aux locataires, soit près de 1 725 € l’année.
L’année dernière, le montant moyen de dépassement était de 119 €/ mois, 1 428 € sur un an. Les sommes imputées illégalement aux locataires ont donc augmenté de 21 % environ !
Certains bailleurs vont parfois bien plus loin et n’hésitent pas à réclamer des loyers totalement indécents par rapport aux caractéristiques de leur logement.
Tel ce propriétaire qui loue 460 € une studette de 7,8 m2, une superficie qui interdit à la location. Ou encore ce bailleur qui loue un studio de 9 m2 au 6ème étage, sans toilettes ni ascenseur, et ce pour un loyer de 800 €, alors qu’il ne devrait pas excéder 365 €, soit une différence de 434 € par mois, plus de 5 200 € à l’année ! Plus conséquent, ce propriétaire qui loue un 4 pièces pour 995 € de trop par mois (3 400 € au lieu de 2 405 €). Soit près de 12 000 € à l’année… Une somme qui se passe de commentaires. Ces résultats montrent la nécessité de pérenniser l’encadrement des loyers et d’accentuer les contrôles des annonces.
Mauvaise qualité rédactionnelle des annonces
Notre enquête constate la dégradation très importante de la qualité rédactionnelle des annonces émanant des professionnels de l’immobilier. Il est fréquent que les charges mensuelles ne soient pas précisées alors même que cette information est obligatoire et qu’elle est indispensable pour permettre au candidat locataire de s’assurer de la conformité du loyer proposé.
De même, bon nombre d’agents immobiliers ne maîtrisent pas l’encadrement des loyers et ne savent pas comment renseigner les données y afférentes : valeur du loyer de référence ne correspondant pas à la taille du logement ou qui ne figure pas dans l’arrêté préfectoral, valeurs mentionnées par m2 au lieu de leur montant en euros et qui, si le locataire fait le calcul, montrent un loyer inférieur à celui mentionné dans l’annonce… La création d’un modèle type de petite annonce et l’instauration d’une amende administrative en cas de non-respect sont indispensables.
Leboncoin, SeLoger…Les mauvais élèves
Pour réaliser notre étude nous avons recueilli les annonces de particuliers ou de professionnels publiées sur 14 sites internet. Alors même que le contenu des annonces n’a jamais été aussi réglementé, leur qualité rédactionnelle aura rarement été aussi mauvaise. La faute à un manque
de rigueur des professionnels, mais également à certains sites qui ne cherchent nullement à améliorer la qualité des informations transmises à leurs visiteurs. Le bonnet d’âne est attribué audite Leboncoin avec 42 % d’annonces illégales. Il est étonnant de voir à quel point ce site semble ne pas se sentir concerné par les évolutions législatives et ne veille même pas si les annonces publiées reprennent a minima les informations obligatoires, tel le montant des charges mensuelles. Le deuxième du classement des mauvais élèves est le site internet Bien’ici, avec 40 % d’annonces illégales. Suivent de près SeLoger (36 %) et la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), avec 22 % d’annonces illégales. On s’attend pourtant de cette dernière, fédération professionnelle, à un devoir d’exemplarité !
Abus de complément de loyer
Malgré les précisions apportées par le législateur en matière de complément de loyer, il demeure toujours difficile pour le locataire d’en apprécier la légitimité.
À titre d’exemple, le complément de loyer est interdit pour les passoires énergétiques (logements classés F ou G). Or, bien qu’obligatoire, la classe énergétique du bien est rarement mentionnée dans l’annonce… Et un complément est parfois appliqué sans qu’aucun élément dans l’annonce ne le justifie. Tel ce propriétaire qui majore son loyer de 134 € en raison d’une vue « très dégagée ». Ou encore cette agence qui justifie un complément de 563 € par, notamment, une « petite terrasse » de 4,98 m2. La CLCV demande l’interdiction du complément de loyer pour les logements d’une superficie inférieure ou égale à 14 m2, ces micrologements ne bénéficiant pas, par définition, du confort nécessaire pour son application.
Un litige sur le montant du loyer ?
Nos conseils
Les loyers de référence ne sont pas mentionnés dans le bail
Le montant du loyer de référence et celui du loyer de référence majoré doivent être mentionnés dans le contrat de location. À défaut, vous avez un mois à partir de la date de prise d’effet du bail pour adresser au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception (AR) une mise en demeure de le faire. Il a un mois pour répondre à partir de la date de réception du courrier. En l’absence de réponse ou en cas de refus, vous pouvez saisir le juge des contentieux de la protection du tribunal dont dépend le logement dans les 3 mois suivants pour obtenir une diminution du loyer, si nécessaire.
Le loyer est supérieur au loyer de référence majoré
Vous êtes en droit de demander une diminution du loyer devant la commission départementale de conciliation (CDC)* ou directement devant le juge. Vous disposez de 3 ans à compter de la signature du bail pour le faire. La décision rendue s’applique, de manière rétroactive, à compter de la prise d’effet du contrat de location. Le trop versé vous sera remboursé par le bailleur et le montant du dépôt de garantie sera, le cas échéant, revu.
Le bail prévoit un complément de loyer
Vous pouvez en contester le montant dans les trois mois qui suivent la signature du bail. Attention, la saisine préalable de la commission départementale de conciliation avant toute action devant le juge est obligatoire.
Il appartient au bailleur de démontrer le bien-fondé du complément de loyer et notamment les caractéristiques du logement. Aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : des sanitaires sur le palier, des signes d’humidité sur certains murs, un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G, des fenêtres laissant anormalement passer l’air hors grille de ventilation, un vis-à-vis à moins de dix mètres, des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur du logement, des problèmes d’évacuation d’eau au cours des trois derniers mois, une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale. Si la conciliation échoue, vous avez trois mois à compter de l’avis de la commission pour saisir le juge afin de demander l’annulation ou la diminution du complément de loyer. Les décisions de la CDC et du juge sont rétroactives et s’appliquent à compter de la prise d’effet du bail.
Le bail arrive à échéance
Vous pouvez faire une proposition de diminution de loyer à votre bailleur au moins 5 mois avant la fin du contrat de location, par lettre recommandée avec AR, si le loyer fixé au bail (hors complément de loyer) est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de la proposition de loyer. En cas de refus ou d’absence de réponse du bailleur 4 mois avant le terme du bail, vous pourrez saisir la CDC. Si aucune conciliation n’est possible, votre dernier recours saisir le juge avant le terme du bail.
★Préfecture d'île-de-France, préfecture de Paris, Commission départementale de conciliation, DRIHL 75, 5 rue Leblanc, 75911 Paris CEDEX 15 - cdc-paris.uthl75@developpement-durable.gouv.fr - Tél : 01 82 52 40 00 - Du lundi au vendredi de 9hl5 à 12h et de 14h à 16h30