Demande d’annulation d’une assemblée générale et incidences procédurales
La demande initiale d’annulation d’une assemblée générale en son entier permet de formuler, par voie de conclusions additionnelles, une demande d’annulation de résolutions précises même après expiration du délai de forclusion de deux mois.
Cass. 3ème civ., 21 septembre 2023, n° 22-16.090.
La règle est bien connue : les copropriétaires opposants ou défaillants peuvent contester les résolutions votées en assemblée générale dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal (cf. art. 42 de la loi du 10 juillet 1965). Il s’agit d’un délai préfix ne faisant l’objet d’aucune suspension ni interruption : une fois les deux mois écoulés, l’action est forclose et les résolutions litigieuses deviennent définitives, même si elles sont illégales.
Dans cette affaire, un copropriétaire a intenté un recours, dans le délai légal de deux mois, visant à contester la légalité de l’assemblée générale dans son intégralité. Mais, durant la procédure, le copropriétaire modifie sa demande et sollicite l’annulation de deux résolutions précises. Or, cette rectification se fait par voie de conclusions additionnelles, lesquelles sont présentées après l’expiration dudit délai de deux mois.
La Cour d’appel déclare en conséquence la demande irrecevable. Le copropriétaire conteste et obtient gain de cause devant la Cour de cassation. En effet, pour la Haute juridiction, ce qui importe est la date de la demande initiale, à savoir celle tendant à l’annulation de l’assemblée générale dans son entier.
Dès lors qu’elle a bien eu lieu dans les deux mois, alors la demande en annulation de deux résolutions en particulier est recevable.
Cette décision est susceptible d’avoir des conséquences pratiques importantes et, comme le soulignent certains auteurs, de voir se développer des demandes de nullité de l’assemblée générale en son entier, suivi de rectificatifs pour viser des résolutions précises. En effet, les cas d’annulation d’une assemblée générale sont différents de ceux concernant une résolution. Dès lors qu’elle a été convoquée par une personne habilitée à le faire (le syndic en cours de son mandat par exemple) et que le délai de convocation de 21 jours a été respecté, la possibilité d’annuler intégralement une assemblée devient plus délicate. Il serait alors nécessaire d’invoquer, par exemple, des erreurs dans la convocation (absence d’indication de l’adresse de la réunion, assemblée se réunissant dans une ville autre que celle où se situe la copropriété…), ce qui est assez rare dans la pratique. En revanche, les motifs d’annulation d’une résolution sont bien plus nombreux : défaut d’obtention de la majorité requise par les textes, absence de communication des contrats, devis et autres documents nécessaires à la validité de la décision, copropriétaire disposant de mandats au-delà du maximum autorisé, absence de désignation d’un président de séance… Par cette décision, la Cour de cassation permet ainsi à des copropriétaires, potentiellement de mauvaise foi, de contester une assemblée générale, puis de « rectifier le tir » en quelque sorte durant la procédure, le temps de trouver des éléments complémentaires ou d’affiner les arguments en vue de contester une résolution précise. Une façon de contourner le délai de deux mois. A voir comment les avocats vont se saisir de cette décision.