Réforme des copropriétés en difficulté

CelProjet de loia faisait longtemps que le droit de la copropriété n’avait pas été modifié. L’ordonnance de réforme du 30 octobre 2019 n’aura donc pas été suffisante sur la question des copropriétés en difficulté, un sujet qui préoccupe pourtant les pouvoirs publics depuis une vingtaine d’années… D’où une certaine surprise à l’annonce d’un projet de loi sur le redressement des copropriétés en difficulté. Toutefois, il importe de voir ce texte pour ce qu’il est, à savoir une volonté sérieuse d’améliorer la prévention et le traitement des immeubles dégradés, certaines mesures concernant la loi du 10 juillet 1965, d’autres, plus largement, le droit de l’urbanisme ou affectant les politiques publiques en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Les développements qui suivent ne concernent que les textes modifiant la loi du 10 juillet 1965. Par ailleurs, ces dispositions sont susceptibles d’être modifiées d’ici la publication de la loi qui devrait intervenir d’ici l’été. Les articles renvoient à ceux du projet de loi.

Création d’un emprunt à souscription collective (art. 2)

A l’heure actuelle, l’assemblée générale ne peut décider la souscription d’un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires qu’à l’unanimité. Par dérogation, elle peut, à la même majorité que celle relative aux travaux concernés, décider d’un emprunt, toujours au nom du syndicat, mais au bénéfice des seuls copropriétaires décidant d’y participer. La nécessité de recourir à l’unanimité pour un emprunt concernant l’ensemble des copropriétaires entraîne l’impossibilité, si ce n’est en droit, du moins en fait, de le mettre en place. Le projet de loi entend revenir sur cette situation.

Ainsi, l’assemblée générale peut voter à la même majorité que celle nécessaire au vote des travaux concernant les parties communes ou des travaux d’intérêt collectif sur parties privatives la souscription d’un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires pour le Financement de ces travaux. Contrairement à l’emprunt collectif qui concerne tous types de travaux, celui-ci n’est possible que pour des opérations bien précises, quoique très nombreuses, à savoir :

– les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ;

  •  les travaux obligatoires ;
  •  les travaux à réaliser dans le cadre d’un plan de sauvegarde ;
  •  les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, sous réserve qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels ;
  • la suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène ;
  • les travaux d’économie d’énergie.

Chaque copropriétaire est tenu de participer à l’emprunt ainsi voté, sauf s’il s’y oppose dans le délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale. Dans ce cas, il doit verser la totalité de sa quote-part du prix des travaux lui revenant dans un délai de six mois à compter de la notification de ce procès-verbal. À défaut, le copropriétaire sera tenu par l’emprunt.

Les sommes dues par le copropriétaire ayant refusé de participer à l’emprunt et qui correspondent au remboursement du capital et des intérêts et au paiement des Frais et des honoraires entrent définitivement, dès leur versement, dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires. Le syndic les affecte, sans délai, au remboursement anticipé de l’emprunt. En conséquence, ces sommes ne donnent pas lieu à remboursement par le syndicat en cas de vente d’un lot. Il appartiendra aux parties d’en disposer autrement dans l’acte de vente, en prévoyant, par exemple, un remboursement total ou partiel de l’emprunt par l’acquéreur, mais cet accord demeure inopposable au syndicat.

Seuls les copropriétaires bénéficiant de l’emprunt sont tenus de contribuer chaque mois, en fonction du montant pour lequel ils participent à l’emprunt selon la grille de répartition des charges définie par le règlement de copropriété. Ces dépenses comprennent :

  • le remboursement de l’emprunt, en capital et intérêts, au syndicat des copropriétaires ;
  • les frais et honoraires y afférents (Frais bancaires, rémunération du syndic…).

L’emprunt se transfère aux copropriétaires successifs en cas de vente, avec toutefois la possibilité pour l’acquéreur de verser immédiatement, lors de la mutation, l’intégralité des mensualités restantes.

Par ailleurs, les fonds empruntés doivent être versés par l’établissement prêteur sur un compte bancaire réservé à cet effet.

On notera que le texte ne fait pas référence à un compte bancaire séparé, ni à l’interdiction de procéder à une fusion ou à une compensation, à l’instar de ce qui est actuellement prévu pour les fonds du syndicat et le recueil des cotisations issues du fond de travaux. À voir si la rédaction évoluera au cours des débats, mais il est clair que ce point pourrait faire l’objet de contentieux. Le texte prévoit également une mesure intéressante : il est en effet indiqué qu’aucune mesure conservatoire ou d’exécution forcée ne peut être mise en oeuvre sur les sommes portées au crédit dudit compte bancaire. Autrement dit, les fonds reçus au titre de l’emprunt sont insaisissables mais ne peuvent être utilisés que pour le paiement des travaux en question.

Renforcement de la procédure d’alerte et responsabilisation du syndic (art. 5)

La procédure d’alerte consiste à solliciter du juge la désignation d’un mandataire ad hoc lorsqu’à la clôture des comptes les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles, 15 % pour les copropriétés de plus de deux cents lots, quelle que soit leur nature (logements, commerces, caves…). Cette demande est effectuée normalement par le syndic et, en cas de carence de celui-ci, par d’autres personnes telles que le préfet ou le maire par exemple. Le projet loi envisage désormais la désignation d’un mandataire ad hoc lorsque aucune assemblée générale appelée à statuer sur les comptes ne s’est tenue depuis au moins deux ans et ce indépendamment du taux d’endettement de la copropriété. Par ailleurs, le président du tribunal judiciaire peut imputer tout ou partie des Frais de l’administration provisoire au syndic, si ce dernier n’a pas effectué les démarches en vue de la désignation d’un mandataire ad hoc, après audition du syndic et du conseil syndical, sur le rapport de l’administrateur provisoire. Une mesure qui permet de responsabiliser les syndics lorsque ceux-ci laissent Filer une dette sans procéder au moindre acte de recouvrement. On notera que la procédure est très encadrée puisque le juge est tenu de motiver sa décision et d’entendre au préalable les observations du syndic.

Création du syndic d’intérêt collectif (art. 5 bis)

Il est créé un agrément de syndic d’intérêt collectif pour intervenir spécifiquement dans les copropriétés en difficulté. Il a ainsi pour mission de gérer les copropriétés pour lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné. Il peut également assister un administrateur provisoire, sur demande de ce dernier, dans ses fonctions de gestion. L’agrément est délivré par le représentant de l’État dans le département pour une durée de cinq ans, au regard notamment de la capacité et des compétences du syndic à travailler dans les copropriétés en difficultés. Les organismes HLM sont réputés remplir les conditions d’obtention de l’agrément de syndic d’intérêt collectif.

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