Mise en concurrence et passerelle de majorité : quand l’arithmétique s’emmêle

Les passerelles de majorité ont pour objectif de permettre un second vote, mais à des conditions plus souples, sur une résolution qui n’a pas été adoptée en première lecture. Le but du législateur est ainsi de limiter les effets de l’absentéisme aux assemblées générales et d’éviter toute paralysie du processus décisionnel. Cependant, la mise en oeuvre pratique de la passerelle peut connaître quelques difficultés lorsqu’une mise en concurrence est effectuée.

Passerelle de majorité des articles 25-1 et 26-1 : rappel

Il existe deux passerelles de majorité, l’une concernant les résolutions votées à la majorité de l’article 25, l’autre à celle de l’article 26.

Ainsi, lorsqu’une résolution relevant de la majorité de l’article 25 n’a pas obtenu le nombre de voix requis, un second vote est organisé immédiatement à la majorité de l’article 24 dès lors que le projet a recueilli au moins le tiers des voix du syndicat1.

De même, lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité de l’article 26 mais que le projet a au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce alors à la majorité de l’article 252. Si, même en réalisant ce second vote, la résolution n’est pas adoptée, il est alors impossible de recourir à la passerelle de l’article 25-1 quand bien même les conditions seraient-elles remplies pour y procéder 3. Le législateur a voulu ici éviter qu’une résolution relevant de la double majorité de l’article 26 puisse au final être adoptée, par le cumul des passerelles, à la majorité simple de l’article 24.

Le recours à la passerelle en cas de mise en concurrence

L’organisation d’un second vote peut poser quelques difficultés lorsque l’assemblée générale est amenée à se prononcer sur plusieurs contrats ou devis. En effet, il n’est pas rare de voir la passerelle actionnée sur le premier contrat soumis aux copropriétaires sans qu’ils ne se soient prononcés sur les autres. Même si l’ordre du jour de l’assemblée générale doit être élaboré en collaboration avec le syndic, celui-ci conserve une certaine mainmise et est à même d’influer indirectement sur les décisions prises en choisissant l’ordre de passage des différents contrats à soumettre aux copropriétaires.

C’est pour éviter une telle situation que les modalités de vote ont été précisées. Ainsi, lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder au second vote qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote4. Autrement dit, les copropriétaires devront se prononcer sur chaque contrat qui leur est soumis, les uns après les autres. Si aucun n’obtient la majorité requise lors de ce premier tour, il sera alors procédé à un second vote pour les contrats éligibles à la passerelle de majorité (ceux qui ont recueilli le tiers des voix du syndicat par exemple dans le cadre d’un vote à la majorité de l’article 25).

Ce dispositif permet ainsi d’éviter la « prime au premier », chaque devis devant être finalement soumis à l’assemblée générale sans que l’un ne soit écarté. Toutefois, doit-on voter systématiquement sur tous les devis proposés, quelle que soit l’issue du vote sur chacun d’eux, ou faire cesser les votes dès qu’un contrat obtient la majorité requise dès le premier tour ? Dans cette hypothèse, en cas de mise en concurrence du syndic, l’assemblée générale ne sera pas appelée à se prononcer sur les contrats concurrents dès lors que celui du syndic obtient bien la majorité des voix de tous les copropriétaires au premier tour. Pour autant, faut-il procéder de la sorte ?

Lorsque plusieurs contrats recueillent la majorité requise

La procédure instituée sur les textes repose sur le principe d’un vote cohérent des copropriétaires, à savoir le fait que ceux qui sont favorables à l’un des devis proposés sont, par définition, défavorables aux autres. Or, cela n’est pas forcément systématique et le vote par correspondance en constitue un bon exemple : il n’est pas rare que certains copropriétaires se prononcent en faveur de plusieurs contrats et cochent sur le formulaire toutes les cases « POUR » alors qu’il fallait n’en choisir qu’un. Nous arrivons alors à une situation paradoxale où plusieurs contrats sont susceptibles d’obtenir la majorité. Or, si les textes précisent bien la nécessité de voter sur tous les contrats au premier tour, ils sont muets sur ce qu’il convient de faire pour le second tour. On peut penser que les votes s’arrêtent au second tour dès que le devis a obtenu la majorité requise. Une décision de bon sens mais qui peut se heurter à un écueil si plusieurs formulaires de vote par correspondance contiennent des incohérences avec des votes favorables pour plusieurs candidats.

Le mieux est donc de voir avec le syndic ce qu’il en est, notamment si de nombreux copropriétaires ont voté à distance, et de s’assurer que les réponses fournies sont cohérentes. Si tel est le cas, alors on peut effectivement arrêter les débats du second tour dès qu’un devis a obtenu la majorité nécessaire. Mais cela suppose une certaine anticipation et de préparer l’assemblée générale avant sa tenue.

Dans le cas contraire, si certaines réponses sont ambiguës, il conviendra, par précaution, de voter sur tous les contrats du second tour.

Mais qu’en est-il si plusieurs devis obtiennent alors la majorité requise ? On pourrait retenir le contrat qui a recueilli le plus de voix, le vainqueur étant celui qui a été plébiscité par les copropriétaires. Un procédé à éviter néanmoins, d’où l’intérêt d’être clair dans ses instructions lorsque l’on remplit le formulaire de vote par correspondance.

  • 1 Art. 25-1 Loi du 10 juillet 1965.
  • 2 Art. 26-1 Loi du 10 juillet 1965.
  • 3 Art. 19-1 Décret du 17 mars 1967.
  • 4 Art. 17 Décret du 17 mars 1967
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