La vente d’un lot en copropriété
Si la vente d’un lot obéit au droit commun, avec notamment l’existence d’un délai de rétractation ou l’obligation de transmettre certains diagnostics (plomb, amiante…), elle se distingue par la nécessité d’apporter au candidat acquéreur plusieurs informations, et ce au stade même de la petite annonce.
Le règlement de copropriété peut-il restreindre la possibilité pour un copropriétaire de vendre son lot ? Dans la mesure où tout un chacun peut disposer de ses parties privatives, une telle restriction ne saurait être concevable. Il existe cependant quelques cas très particuliers.
En effet, si les juges ont longtemps sanctionné et considéré comme non écrite toute clause interdisant la vente, par un copropriétaire, de l’un de ses lots (l’exemple type est la chambre de bonne, certains règlements en interdisant la vente séparée 1), la jurisprudence, dans des hypothèses bien précises, a apporté quelques tempéraments.
Dans une affaire, la Cour de cassation a reproché aux juges d’appel d’avoir réputé non écrite la clause d’un règlement de copropriété restreignant le droit pour un copropriétaire de disposer de son lot à usage de garage au motif que cette restriction n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble alors même qu’ils n’ont pas recherché si cette restriction ne pouvait pas être justifiée par les caractéristiques ou la situation de l’immeuble 2. Autrement dit, une restriction au droit de vendre ses lots, notamment secondaires, peut être prévue dans le règlement de copropriété, mais à la condition que cela soit dûment justifié.
Ainsi, est licite la clause du règlement interdisant la cession séparée des chambres de service au profit de tiers non-copropriétaires, compte tenu de la vocation bourgeoise de l’immeuble et de son aspect cossu et bien entretenu 3. De même, dans un immeuble de standing exceptionnel, une clause du règlement peut valablement interdire la cession des chambres de bonnes et de caves indépendamment du lot principal 4. C’est ici le caractère exceptionnel du standing de la résidence qui a permis la validité d’une telle clause alors que cela n’aurait pas été le cas dans un autre type d’immeuble. En revanche, les stipulations instaurant un droit de préemption au profit des autres copropriétaires ou imposant que le futur acquéreur soit agréé par l’assemblée générale sont illicites 5. Un copropriétaire peut donc disposer de son lot comme il l’entend, sauf dans de très rares circonstances motivées par le grand standing de l’immeuble.
Dans certains cas, la loi peut restreindre la possibilité pour le copropriétaire de choisir son acheteur. Ainsi, à titre d’exemple, le bailleur qui entend délivrer un congé pour vente à son locataire doit tout d’abord lui proposer le bien par préférence à tout autre acquéreur (sauf lorsque le bien est vendu à un parent, jusqu’au troisième degré inclus 6). Ce n’est que si le locataire refuse d’acquérir le logement que le propriétaire peut choisir librement son acquéreur. De même, la commune peut instituer un droit de préemption urbain. Enfin, le règlement de copropriété des immeubles dont le permis de construire a été délivré conformément à un plan local d’urbanisme ou d’autres documents d’urbanisme imposant la réalisation d’aires de stationnement peut prévoir une clause attribuant un droit de priorité aux copropriétaires à l’occasion de la vente de lots exclusivement à usage de stationnement au sein de la copropriété 7. Dans ce cas, le vendeur doit, préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots à usage de stationnement, faire connaître au syndic par lettre recommandée avec demande d’avis de réception son intention de vendre, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Cette information est alors transmise sans délai à chaque copropriétaire par le syndic par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, aux frais du vendeur. Elle vaut offre de vente pendant une durée de deux mois à compter de sa notification.
Les annonces relatives à la vente d’un lot ou d’une fraction de lot en copropriété doivent mentionner 8 :
1° Le fait que le bien est soumis au statut de la copropriété ;
2° Le nombre de lots ;
3° Le montant moyen annuel de la quote-part, à la charge du vendeur, du budget prévisionnel correspondant aux dépenses courantes ;
4° Pour les lots à usage d’habitation et à titre d’information, une indication sur le montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic de performance énergétique et définis par voie réglementaire.
Les annonces doivent également préciser si un mandataire ad hoc ou un administrateur provisoire ont été désignés, ou si l’immeuble fait l’objet d’une mesure de sauvegarde.
On notera que le texte impose la mention du nombre de lots, sans préciser s’il s’agit uniquement des lots principaux, à savoir ceux à usage de logements, de commerces et de bureaux, ou de l’ensemble des lots, quelle que soit leur nature.
Le mieux est de préciser dans le cadre de l’annonce de quels types de lots il s’agit.
En sus de ces informations spécifiques à la copropriété, le contenu de l’annonce doit également respecter les prescriptions générales applicables à toutes ventes d’immeuble, à savoir notamment la reproduction du diagnostic de performance énergétique avec l’indication de l’étiquette concernant les dépenses énergétiques et celle relative à l’émission des gaz à effet de serre, l’indication que le logement est à consommation énergétique excessive s’il est classé F ou G.
De même, depuis le 1er janvier 2023, toute annonce, quel que soit son support de diffusion, relative à la mise en vente d’un bien immobilier situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques naturels ou technologiques doit contenir une mention précisant le moyen d’accéder aux informations relatives aux risques en question 9.
Plusieurs documents doivent être communiqués à l’acquéreur au stade de la promesse de vente ou de la signature de l’acte authentique. C’est ici que l’on retrouve les fameux « état daté » et « pré-état daté », dénomination issue de la pratique concernant ce dernier et ne reposant sur aucune existence légale. La nature des informations à transmettre peut toutefois varier selon les cas 10 (voir tableau)
La remise des documents peut être effectuée sur tous supports et par tous moyens, y compris par un procédé dématérialisé sous réserve de l’acceptation expresse par l’acquéreur. Lorsque les documents et les informations relatives à l’organisation de l’immeuble et à sa situation financière ne sont pas remis à l’acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente, le délai de rétractation de 10 jours applicable aux ventes immobilières ne court qu’à compter du lendemain de leur communication 11.
Si le pré-état daté développé ci-dessus peut être constitué et transmis par le vendeur (les documents et informations peuvent d’ailleurs être recueillis sur l’Extranet de la copropriété, à condition que l’assemblée générale n’ait pas refusé sa constitution), il en va différemment pour l’état daté. Celui-ci est obligatoirement délivré par le syndic et son coût ne peut excéder 380 € TTC. Ce document comprend trois parties 12
1° Dans la première partie, le syndic indique, d’une manière même approximative et sous réserve de l’apurement des comptes, les sommes pouvant rester dues, pour chaque lot considéré, au syndicat par le copropriétaire cédant, au titre :
- – des provisions exigibles du budget prévisionnel et des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel ;
- – des charges impayées sur les exercices antérieurs ;
- – des sommes dues au titre d’un emprunt collectif ou du paiement fractionné sur 10 ans du coût des travaux d’amélioration 13 ;
- – des avances exigibles.
2° Dans la deuxième partie, le syndic indique, d’une manière même approximative et sous réserve de l’apurement des comptes, les sommes dont le syndicat pourrait être débiteur, pour chaque lot considéré, à l’égard du copropriétaire cédant, au titre :
- – des avances
- – des provisions pour les périodes postérieures à la période en cours et rendues exigibles en raison de la déchéance du terme prévue par l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.
3° Dans la troisième partie, le syndic indique les sommes qui devraient incomber au nouveau copropriétaire, pour chaque lot considéré, au titre :
- – de la reconstitution des avances mentionnées et ce d’une manière même approximative ;
- – des provisions non encore exigibles du budget prévisionnel ou qui ne sont pas comprises dans le budget prévisionnel.
Dans une annexe à la troisième partie de l’état daté, le syndic indique la somme correspondante, pour les deux exercices précédents, à la quote-part afférente à chaque lot considéré dans le budget prévisionnel et dans le total des dépenses hors budget prévisionnel. Il mentionne, s’il y a lieu, l’objet et l’état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est parti.
En l’absence de syndic, le vendeur sera dans l’incapacité de transmettre ces informations. Il appartiendra alors au notaire d’informer l’acquéreur de la situation.
Tout acte de vente d’un lot en copropriété doit mentionner la superficie privative de ce dernier. Le dispositif est plus connu sous le nom du député qui en est à l’origine, à savoir Gilles Carrez. Il est ainsi très fréquent de voir une annonce immobilière mentionner la surface d’un logement mis en vente suivi des termes « Loi Carrez » ou, plus sobrement « Carrez ». Dans les faits, ce que l’on nomme communément « Loi Carrez » est la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 améliorant la protection des acquéreurs de lots de copropriété
Documents et informations à transmettre | Ventes concernées |
La fiche synthétique de la copropriété | Toutes ventes Exception : ► L’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété |
Le règlement de copropriété et l’état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s’ils ont été publiés | Toutes ventes Exception : ► L’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété |
Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années | Toutes ventes : Exceptions : ► Le copropriétaire vendeur n’a pas été en mesure d’obtenir ces documents auprès du syndic ► L’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété ► Ces documents ne sont pas exigés en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe* |
Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente | Toutes ventes |
Les sommes susceptibles d’être dues au syndicat des copropriétaires par l’acquéreur | Toutes ventes Exception : Ne s’applique pas lorsque le syndicat des copropriétaires comporte au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou lorsque le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €** |
L’état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs | Toutes ventes Exception : Ne s’applique pas lorsque le syndicat des copropriétaires comporte au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou lorsque le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €** |
Lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d’un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot | Toutes ventes |
Le carnet d’entretien de l’immeuble | Toutes ventes |
Une notice d’information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu’au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété | Toutes ventes (arrêté non publié) Exceptions : ► L’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété ► Ces documents ne sont pas exigés en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe* |
Le cas échéant, les conclusions du diagnostic technique global | Toutes ventes Exceptions : ► L’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété. ► Ces documents ne sont pas exigés en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe* |
* Est notamment considéré comme un lot annexe au sens de l’article L 721-2 du Code de la construction et de l’habitation, un emplacement de stationnement ou un local tel qu’une cave, un grenier, un débarras, un placard, une remise, un garage ou un cellier.
** Le Code de la construction fait ici référence à l’article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965, lequel définit les petites copropriétés. Or, avec la réforme opérée par l’ordonnance du 30 novembre 2019, non seulement la définition des petites copropriétés a été modifiée, mais l’article a également été transféré. Il s’agit désormais de l’article 41-8 de la loi du 10 juillet 1965
Cette dernière a créé un article 46 au sein de la loi du 10 juillet 1965 de sorte que la loi Carrez n’existe pas en tant que texte autonome, ses dispositions étant incluses dans la réglementation relative à la copropriété.
Ainsi, « toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot ». L’obligation de mentionner la superficie du bien ne s’applique ni aux ventes en l’état futur d’achèvement 14 ni, en matière locative, aux congés pour vente 15 16. Par ailleurs, sont exclus de l’obligation de mesurage les caves, garages, emplacements de stationnement et les lots ou fractions de lots d’une superficie inférieure à 8 m2 16.
L’absence de mention de la superficie privative dans le contrat constatant la vente entraîne la nullité de l’acte.
L’acquéreur doit alors intenter l’action en nullité dans le délai d’un mois, au plus tard, à compter de l’acte authentique constatant la vente. Toutefois, si la superficie n’est pas mentionnée dans les contrats précédant l’acte authentique (promesse de vente…) mais l’est finalement dans ce dernier, alors l’acquéreur est déchu de son droit à poursuivre l’action en nullité de la promesse ou du contrat qui a précédé l’acte authentique. S’il apparaît que la superficie réelle est supérieure à celle exprimée dans l’acte, l’excédent de mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix. En revanche, si la superficie est inférieure de plus de 5 % à celle exprimée dans l’acte, le vendeur supporte alors une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. Dans ce cas, l’acquéreur doit intenter une action en diminution du prix dans le délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance.
Exemple de réduction du prix Soit un logement de 70 m2 vendu 250 000 €. Il apparaît que la superficie réelle est de 62 m2, soit un écart de 8 m2. La différence étant supérieure à 5 % (70 x 5 % = 3,5 m2), l’action en réduction du prix est recevable.
Le nouveau prix est alors de : (250 000 x 62) / 70 = 221 428,57 €. Le vendeur devra donc restituer la somme de 250 000 – 221 428,57 = 28 571,43 €.
Au regard des conséquences que peut entraîner une erreur de métrage, et bien que cela ne soit pas obligatoire, il est plus que conseillé de faire appel à un expert pour procéder au mesurage des locaux.
Tout transfert de propriété doit être signalé au syndic, sans délai, soit par les parties, soit par le notaire qui établit l’acte. Cette notification comporte la désignation du lot ou de la fraction de lot intéressé ainsi que l’indication des noms, prénoms, domicile réel ou élu et, sous réserve de leur accord exprès, l’adresse électronique de l’acquéreur ou du titulaire de droit 17.
La question se pose souvent de savoir qui, du vendeur ou de l’acquéreur, est tenu de s’acquitter des charges de copropriété.
Il n’est pas rare de trouver des copropriétaires, voire des professionnels, penser que les charges incombent intégralement à celui qui était présent lors de l’assemblée générale. Or, si ce dispositif a existé, il n’est plus applicable depuis le 1er septembre 200418, c’est-à-dire depuis près de 20 ans !
Ainsi, à l’occasion de la mutation d’un lot 19 :
1) Le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel, incombe au vendeur. Il s’agit ici de la provision réclamée le premier jour de chaque trimestre ou de chaque période fixée par l’assemblée générale. N’est concernée que la provision exigible : celle réclamée après la vente incombera donc à l’acquéreur si la mutation a lieu dans l’intervalle.
La pratique consistant à imputer un prorata des charges au regard des dates d’exigibilité et de vente est donc révolue.
2) Le paiement des provisions des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel incombe à celui, vendeur ou acquéreur, qui est copropriétaire au moment de l’exigibilité.
3) Le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l’approbation des comptes, est porté au crédit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l’approbation des comptes.
En d’autres termes, la responsabilité du paiement incombe à celui qui est copropriétaire au moment de l’exigibilité de la dépense. De même, l’approbation des comptes se fera au bénéfice ou au détriment de celui qui est copropriétaire à ce moment. Dans l’hypothèse où le budget prévisionnel aurait été sous-évalué, l’acquéreur pourrait ainsi être amené à verser une somme importante au titre de la régularisation des charges quand bien même viendrait-il d’arriver. Mais la situation serait identique si le budget avait été surévalué : dans ce cas, l’acquéreur aurait bénéficié de la compensation sur ses charges des sommes restituées au titre de la régularisation.
Il est possible pour les parties d’en convenir autrement dans l’acte authentique. Toutefois, cet accord est inopposable au syndicat des copropriétaires 20. Le syndic appellera les fonds auprès de la personne désignée par les textes, acquéreur ou vendeur, à charge pour celle-ci de se retourner ensuite contre son cocontractant afin de demander le remboursement des sommes versées.
- 14 Cass., 3ème civ., 11 janvier 2012, n° 10-22.924.
- 15 Art. 15 Loi du 6 juillet 1989.
- 16 Art. 46 al. 3 Loi du 10 juillet 1965 et 4-2 Décret du 17 mars 1967.
- 17 Art. 6 Décret du 17 mars 1967.
- 18 Le 1er septembre 2004 correspond à la date d’entrée en vigueur des dispositions règlementaires issues de la loi Solidarité et renouvellement urbains du 13 décembre 2000.
- 19 Art. 6-2 Décret du 17 mars 1967.
- 20 Art. 6-3 Décret du 17 mars 1967