Dieselgate : vers un nouveau scandale

voiture polluante

Près de 8 ans après le Dieselgate, le rapport d’une ONG américaine dénonce les niveaux d’émissions de polluants supérieurs aux limites réglementaires de véhicules diesel qui continuent de circuler. Trois millions de voitures seraient concernées en France. Un nouveau Dieselgate à l’horizon ?

La CLCV et deux associations somment le gouvernement d’agir.

Le scandale du Dieselgate, qui a éclaté en septembre 2015, a révélé que des millions de  véhicules diesel étaient équipés d’une forme spécifique de « dispositif d’invalidation ». Ces dispositifs affectent  le système de contrôle des émissions  d’un moteur en le désactivant ou en  réduisant son efficacité dans certaines  conditions. Ainsi, ces véhicules polluent et consomment beaucoup plus  en situation réelle de conduite que lors  des tests en laboratoire qui permettent  leur homologation. L’utilisation de ces dispositifs d’invalidation est depuis interdite par la législation européenne.

Malgré l’affaire du Dieselgate et la mise en place d’une autorité de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM), une étude réalisée par l’ONG International Council on Clean Transportation – ICCT, celle-là même qui avait révélé le scandale, suggère qu’un nombre important de véhicules qui circulent actuellement sur les routes de l’Union européenne et du Royaume-Uni émettraient des niveaux de pollution bien supérieurs aux limites réglementaires.

L’étude, publiée en mars, évalue l’ampleur des niveaux d’émissions d’oxydes d’azote (NOX), principaux polluants émis par les pots d’échappement, indiqués dans les tests réalisés par des organisations gouvernementales et indépendantes depuis 2016.

Le rapport porte sur les modèles de voitures particulières diesel certifiés Euro 5 et Euro 6, que l’on retrouve dans la gamme de presque toutes les marques. Ils représentent environ 53 millions de véhicules vendus en Europe entre 2009 et 2019. L’ONG a défini deux seuils d’émissions d’oxyde d’azote qui correspondent au dépassement de la limite officielle : le seuil« suspicieux » et le seuil « extrême»

Des émissions suspectes sur plus  de 200 modèles

L’analyse de l’ICTT montre que sur les 53 millions de véhicules diesel vendus en Europe entre 2009 et 2019,19 millions, qui roulent encore, dont 3,3 millions en France, présenteraient des niveaux « suspects » d’émissions d’oxyde d’azote (NOX) comprenez, émettent beaucoup plus de polluants que la norme sous laquelle ils ont été vendus. Cela représenterait plus de 200 modèles dans les gammes de presque tous les constructeurs automobiles. Seize millions de véhicules affichent même des niveaux d’émissions qualifiés d’« extrêmes » (trois ou quatre fois la limite officielle).

Ces émissions excessives laissent à penser à « l’utilisation probable » d’une stratégie de calibration du moteur soit d’un dispositif d’invalidation interdit. L’ONG précise : « le seuil extrême indique un niveau d’émissions qui dépasse de façon si importante les limites réglementaires que des explications autres que la présence d’un dispositif d’invalidation sont hautement improbables. »L’oxyde d’azote (NOX) est un polluant atmosphérique dangereux qui présente un risque important pour la santé humaine. Les émissions d’oxyde d’azote des pots d’échappement des véhicules diesel contribuent de manière significative à la mauvaise qualité de l’air dans de nombreuses villes européennes. Les véhicules diesel routiers ont été liés à 35 400 décès prématurés en Europe en 2015. En outre, le Health Effects Institute, institut de recherche sanitaire américain, a constaté des liens importants entre la pollution au dioxyde d’azote (NO2) liée au trafic routier et l’apparition de l’asthme chez les enfants et les adultes, ainsi que les infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez les enfants.

 

En France, les véhicules diesel sont la principale source de ces émissions. Ce polluant est responsable de 7000 décès annuels d’après Santé Publique France. Les seuils réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé fixés pour le NO2 ne sont toujours pas respectés en France en 2021.

Dispositif d’invalidation, de quoi parle-t-on ?

Les dispositifs de neutralisation sont tous matériels, logiciels ou éléments de construction d’un véhicule utilisés pour désactiver ou diminuer les systèmes de contrôle des émissions dans des conditions normales de conduite – ce qui signifie que les véhicules émettent beaucoup plus de polluants (généralement des oxydes d’azote (NOX), y compris du dioxyde d’azote (NO2) en tant que composant nocif) sur les routes que dans des conditions d’essai. L’utilisation de ces dispositifs par les constructeurs a été rendue publique avec le scandale du Dieselgate. L’utilisation de dispositifs d’invalidation est interdite par la législation européenne et britannique, sous réserve d’un nombre très limité d’exemptions. En 2020, Dans plusieurs affaires, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé que les cas dans lesquels les constructeurs peuvent légalement justifier l’utilisation de tels dispositifs sont extrêmement limités, et a précisé que l’utilisation de formes spécifiques de dispositifs qui réduisent les contrôles d’émissions dans certaines fourchettes de température communément rencontrées en Europe (dispositifs dits de «fenêtre thermique») devrait être interdite.

L’utilisation de ces dispositifs à fenêtre thermique est connue pour être très répandue, les fabricants prétendant souvent qu’ils sont nécessaires pour ralentir l’encrassement de certains composants du moteur. Toutefois, la CJUE a précisé que les dispositifs d’invalidation ne peuvent être utilisés que pour éviter des risques immédiats de dommages ou d’accidents au moteur et ne peuvent en aucun cas être légalement justifiés s’ils ont pour effet de réduire les contrôles des émissions pendant la majeure partie de l’année dans des conditions de conduite normales, ce qui compromettrait l’objectif des limites d’émissions visant à améliorer la qualité de l’air et à protéger la santé des citoyens.

Qu’attendent les gouvernements européens pour agir ?

Les gouvernements européens n’ont pas suffisamment agi pour remédier à l’ampleur du problème mis en lumière par le scandale du Dieselgate et, dans de nombreux cas, les constructeurs automobiles n’ont pas été sanctionnés ou tenus responsables. En revanche, ce sont les citoyens qui ont dû se battre pour obtenir une compensation financière par le biais de recours collectifs contre les constructeurs. À titre de comparaison, aux États-Unis, Volkswagen a été contraint de racheter des véhicules ou de proposer des solutions efficaces. L’entreprise a également versé près de 3 milliards de dollars à un fonds d’atténuation destiné à aider les États américains à prendre des mesures pour réduire la pollution due au transport routier. « Contrairement aux autorités américaines, qui ont agi rapidement pour régler le problème du Dieselgate, le gouvernement français n’a pas imposé de rappel strict des véhicules non conformes, juge Anne Lassman-Trappier, référente qualité de l’air pour la fédération nationale de l’environnement (FNE). Trop nombreux sont les véhicules diesel qui continuent à rouler et émettre beaucoup plus de polluants que la norme sous laquelle ils ont été vendus aux consommateurs français, au détriment de la santé de tous. »

En France, les actions entreprises par les citoyens pour obtenir une compensation financière sont encore en attente de jugement.

« La France doit agir sans complaisance dans ce domaine et imposer aux constructeurs de mettre ces véhicules en conformité, à leurs frais, ou de rembourser les consommateurs trompés », précise-t-elle

Dieselgate, l’action de la CLCV.

Entre 2009 et 2015, le groupe Volkswagen a équipé plusieurs modèles de ses marques  (Volkswagen, Audi, Skoda, Seat) d’un logiciel destiné à diminuer les émissions polluantes des moteurs en situation de test d’homologation. Ainsi, les normes de pollution étaient apparemment respectées alors que sur la route, cela n’aurait pas été le cas. Le constructeur a mis sur le marché des véhicules qui ne respectaient pas les caractéristiques techniques annoncées. Les consommateurs ont donc été trompés. En France, plus de 900 000 véhicules seraient concernés. En 2015, suite aux révélations du « Dieselgate » et aux plaintes qui ont suivi, une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris à l’encontre de Volkswagen pour tromperie. La CLCV a dans un premier temps porté plainte contre le constructeur et s’est jointe à l’instruction pénale en tant que partie civile aux côtés des plaignants. Puis, en septembre 2020, nous avons introduit une action de groupe afin de garantir à tous les consommateurs concernés la prise en compte de leur préjudice.

En décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a reconnu que le logiciel dissimulateur constituait un « dispositif d’invalidation » visant à permettre l’homologation de voitures diesel en fraude des normes Euro et a estimé que le règlement communautaire (n°715/2007) invoqué par Volkswagen devait être interprété en ce sens que l’objectif de ralentir le vieillissement du moteur ne justifie pas le recours à un tel dispositif d’invalidation. En janvier 2022, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a rejeté la requête déposée par la SA Volkswagen AG tendant à l’extinction des poursuites du fait d’une procédure intervenue en Allemagne. Ces décisions constituent des signes positifs pour le devenir de la procédure pénale en France à l’encontre du constructeur et pour notre action de groupe.

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