Seconde vie : les nouveaux locataires paieront plus cher
Le calendrier pour les passoires thermiques se rapproche et les bailleurs doivent réhabiliter plusieurs milliers de logements pour les prochaines années. Parmi les modes de financement de ces travaux, il existe depuis 2023 le dispositif seconde vie. Mais le gouvernement a décidé de faire désormais payer la facture aux futurs locataires. Décryptage
Qu’est-ce que la seconde vie ?
Il s’agit d’un dispositif expérimental lancé en 2023 pour faciliter la réhabilitation énergétique de 900 logements très énergivores, soit les étiquettes F et G au diagnostic de performance énergétique (DPE). 200 millions d’euros avaient été débloqués en ce sens par le Fonds National des Aides à la Pierre (FNAP), qui financent les constructions et travaux des logements sociaux.
Les 900 logements concernés avaient été sélectionnés par un comité regroupant l’État, les bailleurs sociaux et ses financeurs (Caisse des Dépôts et Consignations, CGLLS, Action Logement) pour réhabiliter des logements ayant plus de 40 ans. Le dispositif visait des petites opérations de travaux (moins de 100 logements par programme), un haut niveau de performance énergétique après travaux (étiquette A ou B), et la mise aux normes d’accessibilité de l’ensemble du bâtiment.
Le système de chauffage, l’isolation, le confort d’été et l’ étanchéité du bâtiment sont des critères clés dans ce cadre. Le bilan carbone est aussi pris en compte, et doit être inférieur à celui d’ une démolition. Le bailleur bénéficie alors d’une aide forfaitaire moyenne de 16500 euros par logement, avec un plafond à 23000 euros selon les travaux réalisés, versée par le préfet ou le délégataire des aides à la pierre.
L’expérimentation étant concluante, le dispositif vie a été prolongé par la loi de finances 2024. L’objectif est alors de remettre intégralement à neuf ces logements, en intégrant les dernières normes de sécurité (électricité, plomberie), et de qualité sanitaire (acoustique, qualité de l’air intérieur). En échange, les bailleurs recevront une aide de 200 millions d’euros par an, une exonération totale de taxe foncière sur 25 ans, et une TVA à taux réduit de 5,5 %, soit des avantages similaires à la construction de logements neufs.
Ces aides peuvent se combiner à l’ensemble des dispositifs existants relatifs aux réhabilitations énergétiques, tels que des prêts de la Caisse des Dépôts, des subventions de la part de l’Agence Nationale du Renouvellement Urbain (ANRU), des aides d’Action Logement ou des collectivités locales via des cofinancements (cf. webinaire de décembre 2023 sur les réhabilitations énergétiques).
Le gouvernement envoie la facture aux locataires
Le dispositif seconde vie semble donc avoir tous les avantages. La question est alors qui paye ces travaux. Compte tenu de l’ampleur des besoins de réhabilitations énergétiques, et d’un calendrier serré (les logements de catégorie G seront interdits à la location en 2025, et les F en 2028), le gouvernement a fait son choix. Ce seront les nouveaux locataires de ces logements « seconde vie ».
En effet, dans un décret présenté au Conseil National de l’Habitat (CNH), la CLCV et les associations de locataires ont appris, sans concertation, que les bailleurs seront autorisés à augmenter massivement les loyers à la relocation. Le nouveau locataire ne bénéficiera pas du même loyer que le précédent, ou une simple revalorisation selon l’indice de référence des loyers (IRL). Il devra payer le même loyer qu’un logement social neuf. Ainsi, un HLM qui a plus de 40 ans, véritable passoire thermique, largement rentabilisé par les loyers précédents, les charges locatives et les budgets d’entretien des bailleurs sociaux, seront facturés au même niveau qu’un logement neuf. Cela aboutira à un loyer, selon le financement initial (PLAI, PLUS, PLS) atteignant presque dans certains territoires les prix du logement privé. Il recevra même des aides fiscales importantes. Les demandeurs précaires, qui ne peuvent pas se permettre de tels loyers, seront laissés de côté.
Cette mesure, en dehors de l’obligation de travaux et les aides fiscales, ressemble fortement à l’article 8 du projet de loi Kasbarian II contre lequel nous avions protesté. La dissolution de l’Assemblée Nationale avait heureusement mis un coup d’arrêt à ce dangereux projet. Mais il faut croire que le gouvernement n’a pas renoncé à cette idée. L’ensemble des associations ont protesté contre ce texte, malheureusement adopté par l’État et les bailleurs. Alors que les locataires sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir payer leur loyer, que les charges explosent, et que le pouvoir d’achat est en berne, le gouvernement a décidé que les nouveaux locataires sont suffisamment riches pour se permettre de telles dépenses. Nous devons être très vigilants lors des réhabilitations seconde vie, pour que les loyers à la relocation soient plafonnés à un niveau raisonnable, et éviter une nouvelle flambée des impayés dans ces logements.