Le syndicat des copropriétaires est-il un consommateur comme les autres ?
L’article L. 218-2 du code de la consommation, qui réserve aux seuls consommateurs le bénéfice de la prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent, n’est pas contraire à l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales puisque les consommateurs, personnes physiques, ne sont pas placés dans une situation analogue ou comparable à celle des non-professionnels, personnes morales. Dès lors, c’est à bon droit qu’une cour d’appel retient qu’un syndicat de copropriétaires ne peut se prévaloir de cette prescription biennale.
Dans le cadre de ses relations avec un professionnel, tout consommateur bénéficie de certaines protections, qu’il s’agisse de la communication d’informations précontractuelles ou de la possibilité de se rétracter dans certains cas par exemple. La question qui se pose alors est de savoir si ces différentes mesures sont transposables au syndicat des copropriétaires.
L’article liminaire du Code de la consommation définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Le mot est lancé : le consommateur doit être une « personne physique », autrement dit un particulier. Or, le syndicat des copropriétaires est une personne morale distincte des copropriétaires qui la composent. Il ne peut donc, au regard des dispositions du Code de la consommation, être assimilé à un consommateur. Est-ce un professionnel pour autant ?
Le même article liminaire définit le non-professionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». Et c’est précisément de cette catégorie dont relève le syndicat des copropriétaires. L’intention du législateur était de créer un régime spécifique pour certaines personnes morales, mais calquée sur celui des consommateurs.
Cela suppose toutefois la nécessité pour le texte en question de mentionner expressément son application aux consommateurs et aux non-professionnels. A titre d’exemple, l’article L. 215-1 du Code de la consommation précise que, pour les contrats de prestations de services conclus pour une durée déterminée avec une clause de reconduction tacite, le professionnel prestataire de services doit informer le consommateur par écrit au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat en question.. Et l’article L. 215- 3 du même code indique que ces dispositions « sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ».
Dans l’affaire à l’origine du présent recours, le syndicat des copropriétaires contestait une facture, estimant qu’elle était prescrite au regard des dispositions de l’article L. 218- 2 du Code de la consommation selon lesquelles l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
L’argument du syndicat était de dire que cet article n’excluait pas expressément les non-professionnels et qu’en interdire la mise en oeuvre pour un syndicat des copropriétaires constituait une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui interdit toute distinction discriminatoire. De fait, la prescription de deux ans visée par le Code de la consommation ne peut lui être déniée sur sa seule qualité de personne morale. L’argument était hardi mais n’avait aucune chance de prospérer.
En plus de rappeler que cette distinction entre consommateur et non-professionnel avait pour origine une directive européenne, la Cour de cassation précise que la discrimination consiste à traiter différemment des personnes situées dans des situations analogues. Dans la mesure où le syndicat des copropriétaires est une personne morale, on ne peut considérer que la non-application de mesures applicables aux personnes physiques est une discrimination. Le pourvoi a donc été rejeté.
TJ : Tribunal judiciaire
CA : Cour d’appel
Cass. lère, 2ème ou 3ème civ. : Première, deuxième ou troisième chambre civile de la Cour de cassation (seront surtout cités des arrêts de la troisième chambre civile, cette dernière étant chargée des questions relatives à l’immobilier).