Dossier : Enquête Alimentation Trop de sucre au rayon bébé !

Enquête Alimentation Trop de sucre au rayon bébé !

Crédit photo Une : © Oksana Kuzmina – stock.adobe.com

NOS PRINCIPAUX CONSTATS

Des allégations nutritionnelles et « santé » sur des produits pourtant très sucrés et contenant des additifs

« Réduit en sucre », « Sans sucres ajoutés », « spécialement adaptés aux besoins de bébé », « Exprès pour les
bébés », … De nombreux produits affichent des mentions qui leur confèrent une image « santé ». C›est le cas de 80 % des produits étudiés. Mais le consommateur doit être vigilant et vérifier la liste des ingrédients… En effet, 30% des références contiennent des ingrédients sucrants (sucre, miel, chocolat…). C’est un constat d’autant plus alarmant que la multiplication des produits de type snacks et desserts dans les rayons d’alimentation infantile
normalise le concept de grignotage et la prise de desserts sucrés en fin de repas.

Le nombre d’additifs autorisés en alimentation infantile est restreint. Seuls 65 additifs sont autorisés contre environ 320 en alimentation classique. Sont ainsi interdits les conservateurs, les édulcorants et les colorants par exemple. Toutefois, nos résultats mettent en avant la présence d’additifs dans 38 % de produits étudiés. Les principaux : épaississants, émulsifiants et correcteurs d’acidité. Ce sont les produits laitiers qui en contiennent le plus.

Même constat pour les arômes, Ils sont présents dans plus d’un tiers de nos références. Des arômes qui présentent le risque d’influencer les préférences gustatives des enfants et leur appétence ultérieure pour des aliments plus gras et sucrés.

Notons que dans toutes les catégories de produits étudiés, il en existe sans arôme ni additif. Cela est donc possible de s’en passer !

Une réglementation européenne obsolète et trop permissive

Ces constats montrent que la réglementation européenne n’est pas assez stricte pour les industriels et devrait être mise à jour. Elle est d’ailleurs jugée insuffisante par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même, qui recommande des mesures strictes pour les produits d’alimentation infantiles : ne pas utiliser d’allégations nutritionnelles ou de santé, ne pas ajouter de sucre dans les recettes, ne pas vendre de confiseries et boissons sucrées, avoir une teneur en sucre maximale pour certains produits, … Recommandations qui sont très peu suivies en France. Il est temps de faire évoluer la réglementation pour améliorer les recettes des produits que l’on donne à nos enfants !

NOS DEMANDES

Face à ces constats, la CLCV formule plusieurs demandes à destination des industriels et du législateur européen afin d’améliorer la qualité de l’offre de produits alimentaires infantiles :

fleche noireRéduire ou supprimer l’ajout de sucres (dont jus de fruits et jus concentrés).

fleche noireÉviter l’ajout de sel dans les recettes.

fleche noireRéduire l’utilisation d’additifs et d’arômes.

fleche noireCommercialiser moins de produits de type snacks et desserts sucrés.

fleche noireLimiter la présence d’allégations et de messages marketing sur les emballages et les sites internet qui idéalisent la qualité du produit.

fleche noireProposer des repas salés nutritionnellement denses, en évitant le recours à trop de légumes sucrés (courge butternut, carotte, etc.) et en limitant l’eau de cuisson.

fleche noireIl est nécessaire de renforcer la réglementation européenne sur la composition nutritionnelle des produits infantiles. Elle apparaît non seulement permissive mais aussi obsolète et déconnectée du marché actuel qui s’est grandement diversifié. Il est nécessaire qu’elle fi xe des teneurs maximales en sucres, matières grasses et sel, en se basant sur les recommandations de l’OMS.

fleche noireEnfin, une réflexion doit s’engager pour mettre en place un étiquetage nutritionnel clair et facilement lisible sur les produits infantiles.

 

MÉTHODOLOGIE DE L' ENQUÊTE

Nous avons retenu 207 références dans les rayons d’alimentation infantile de 9 enseignes.

L’alimentation infantile regroupe les produits à destination des nourrissons (moins de 12 mois) et enfants en bas âge (entre 1 et 3 ans) en complément de leur régime et/ou pour la diversification alimentaire. Les laits infantiles n’ont pas été inclus dans l’étude.

Une référence équivaut à une dénomination et une marque.

Nous avons enquêté dans 9 enseignes : Aldi, Bio c bon, Biocoop, Carrefour, Intermarché, Leclerc, Lidl, Monoprix et U.

Sur les 207 références, 140 sont de marques nationales (67%), les autres sont de marques de distributeurs, 95 sont des produits bio (46%).

Notre étude a été réalisée de juin à juillet 2023. Depuis, les emballages et recettes ont pu changer.

Nous avons distingué 7 familles de produits :

fleche noirePréparations céréalières (23 références) : céréales sèches (de type muesli) ou en poudre destinées à être consommées ou préparées avec de l’eau ou du lait.

fleche noireProduits laitiers et assimilés (35 références) : l’ingrédient principal est le lait ou une boisson végétale et la teneur en fruits est inférieure à 5% (sinon, classés dans la catégorie Produits à base de fruits et/ou légumes).

fleche noireProduits à base de fruits et/ou légumes (52 références) répartis en 2 sous-catégories : 41 purées et desserts à base de fruits c’est-à-dire tout produit contenant plus de 5% de fruits (sauf préparations céréalières et snacks). 11 à base de légumes seuls : légumes et légumineuses seuls ou en mélange, sans féculents ni lait.

fleche noireRepas salés (67 références) : mélanges de féculents, légumes, légumineuses, produits laitiers et/ou protéines (viande, volaille, poisson).

fleche noireSnacks sucrés ou salés (26 références) : biscuits, crackers, gâteaux, etc.

fleche noireConfiseries (2 références) : barres à mâcher aux fruits à base de jus ou de pulpe de fruits.

fleche noireBoissons (2 références) : boisson aux fruits.

Nous avons examiné les emballages et relevé pour chaque référence :

  • L’âge cible
  •  La liste d’ingrédients

Les arômes et additifs

  • Le tableau de la déclaration nutritionnelle
  • Les allégations sur l’emballage

L’étude de la composition des produits et des ingrédients a été faite par famille de produits.

Les produits étudiés ont été passés au crible des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)1 (voir encadré ci-dessous), à la fois pour leur formulation et composition nutritionnelle mais également pour tous les messages promotionnels relevés sur les emballages.

1 https://apps.who.int/iris/handle/10665/364678

Produits infantiles : quelle réglementation ?

Dans l’Union européenne, le secteur de l’alimentation infantile est régi par le règlement cadre relatif aux groupes de population spécifiques n°609/20132. Il encadre les préparations pour nourrissons et préparations de suite (laits infantiles), les préparations à base de céréales et les autres denrées alimentaires destinées aux nourrissons (moins de 12 mois) et enfants en bas âge (entre 1 et 3 ans).

Ce règlement établit des critères de composition nutritionnelle et fixe des mentions d’étiquetage obligatoires ou facultatives (voir détails en Annexe 1). Mais ces règles sont moins exigeantes que les recommandations de l’OMS. Parmi ces recommandations :

  •  Ne pas apposer d’allégations nutritionnelles et de santé
  •  Ne pas ajouter de sucre et agents sucrants (sucre, jus concentré, miel…)
  •  Ne pas proposer de confiseries et de boissons sucrées
  •  Pour les snacks et plats: un maximum de 15% de l’énergie doit provenir des sucres
  •  Pour les snacks: énergie totale maximum 50 kcal par portion
  •  Pour tous les produits: maximum 4,5 g/100kcal de lipides totaux, maximum 50mg/100kcal de sodium.
  •  Indication à l’avant de l’emballage les produits dont l’apport en sucre dépasse:
    • Un seuil maximal de 40% de l’énergie totale pour les produits laitiers
    • Un seuil maximal de 30% de l’énergie totale pour les purées de fruits, desserts et snacks aux fruits

L’OMS juge insuffisantes les exigences réglementaires en matière de composition nutritionnelle et conclut à l’impérieuse nécessité de mettre à jour la réglementation, quant à ses exigences et aux catégories de produits considérées. En l’état, le respect de la réglementation n’est en effet pas garant de produits équilibrés nutritionnellement.

En France, Santé Publique France a édité en 20213 de nouvelles recommandations sur la diversification alimentaire des tout-petits (détails en Annexe 2).

Trop de sucres, d’additifs et d’arômes par rapport aux recommandations de l’OMS Pour

Pour chaque recommandation de l’OMS, nous avons étudié la composition et les emballages des produits pour évaluer s’ils sont conformes à ces recommandations ou s’ils en sont loin.

Recommandation de l’OMS : bannir les ingrédients sucrants ou édulcorant dans l’ensemble de la gamme infantile

Bonne chose : les édulcorants sont interdits par la réglementation européenne dans les produits d’alimentation infantile. Tous les produits étudiés respectent donc bien la recommandation de l’OMS.

En revanche, concernant l’utilisation des ingrédients sucrants, certains produits sont loin d’être conformes :

85% des produits laitiers étudiés contiennent des ingrédients sucrants : sucre, sucre de canne, dextrose, caramel, sirop de sucres issus de fruits. On note la présence de sucres ajoutés (sucre, dextrose, lactose) dans des préparations censées avoir une saveur salée telles que les Blédîners courgettes et carottes de Blédina.

77% des snacks sucrés ou salés contiennent divers ingrédients sucrants : sucre roux de canne, sucre blanc, pépites de chocolat, jus de fruit concentré, miel. 6 références rencontrées ne contiennent pas d’ingrédients sucrants : c’est donc possible !

22% des préparations céréalières contiennent des sucres ajoutés sous différentes formes : pépites de chocolat, miel, sucre, jus de datte concentré…

14% des produits à base de fruits contiennent des sucres ajoutés. C’est le cas pour les brassés aux fruits ou des spécialités de fruits. Les purées de fruits pures ne contiennent pas de sucres ajoutés conformément à la réglementation. Aucun petit pot de légumes ne contient de sucres ajoutés. Aucune référence de repas salés ne contient d’ingrédients sucrants.

Recommandation de l’OMS pour les préparations céréalières et les recettes de fruits et légumes : faire figurer une alerte en face avant de l’emballage dès lors qu’au moins 30% des calories proviennent des sucres

42% des repas salés dépassent ce seuil avec une contribution des sucres entre 16% et 34% de la valeur calorique totale. Il s’agit essentiellement des recettes qui intègrent des légumes plus doux et sucrés (carotte, courge butternut, patate douce, maïs).

65% des snacks dépassent ce seuil avec une contribution des sucres entre 16% et 28% de la valeur calorique totale. Toutes les références dépassant le seuil de 15% contiennent du sucre ajouté qui ne provient pas d’un ingrédient naturel (fruits, légumes).

Ces observations sont cohérentes avec la mise en garde de Santé Publique France : « Gardez à l’esprit que les biscuits, gâteaux et produits chocolatés proposés dans le commerce pour les moins de 3 ans sont également souvent trop gras et sucrés ».

 

L’OMS alerte sur la prolifération des produits de type snacks et desserts dans les rayons d’alimentation infantile, qui normalisent le concept de grignotage et la prise de desserts sucrés en fin de repas. L’organisation rappelle que de tels produits sont à proposer avec modération, en particulier aux enfants de moins de 12 mois, dans la mesure où ils présentent une faible densité nutritionnelle.

 

Recommandation de l’OMS pour les produits laitiers : teneur maximale en matières grasses de 4,5 g/100 kcal, soit une contribution des matières grasses à l’apport calorique total de l’ordre de 40%

Ce seuil est respecté par la totalité de l’échantillon de 35 produits laitiers.

Recommandation de l’OMS : teneur maximale en sel de 0,125 g/100 kcal ou 0,250g/100kcal si du fromage est présent dans le produit

51% des plats salés dépassent ces seuils. Les recettes présentant les teneurs en sel les plus élevées contiennent toutes du sel ajouté.

10% des produits à base de fruits ou légumes dépassent ces seuils mais aucun n’a de sel ajouté.

11% des snacks le dépassent légèrement mais avec des valeurs qui restent proches du seuil.

Ce seuil est respecté par l’ensemble des produits laitiers échantillonnés.

Recommandation de l’OMS pour les plats salés et les recettes à base de fruits : densité énergétique minimale de 60 kcal/100 g

La densité énergétique correspond à la quantité d’énergie ou de calories contenue dans un poids donné, par exemple dans 1 gramme d’aliment. Les aliments de faible densité énergétique contiennent plus d’eau et moins de sucre, de protéines, de matières grasses. Les nourrissons et les jeunes enfants ont des besoins énergétiques particuliers qu’il est important de couvrir, notamment dans les plats salés, qui constituent l’essentiel d’un repas.

Il est donc important qu’un plat ne contienne pas trop d’eau et suffisamment de nutriments. C’est pourquoi l’OMS recommande une densité minimale.

33% des plats salés sont en dessous du seuil de l’OMS avec des densités énergétiques allant de 32 kcal/100g à 59 kcal/100g.

Il semble que la teneur en eau de cuisson des produits commerciaux soit généralement supérieure à celle des plats faits maison, ce qui peut expliquer la faible densité énergétique des produits étudiés. Les fabricants devraient être encouragés à limiter l’ajout d’eau pour la cuisson et le mixage, et à établir des recettes adaptées en guise de plats complets.

41% des recettes à base de fruits sont en dessous de ce seuil. Les valeurs énergétiques les plus faibles s’élèvent à 43 kcal/100 g. Dans les recettes les moins denses, il ne s’agit pas d’un problème de quantité d’eau de cuisson car elles sont 100% fruits. Les teneurs en sucres sont par ailleurs élevées, de l’ordre de 10 g/100 g, et contribuent majoritairement à l’apport calorique (entre 75% et 94%). Cette faible densité est le signe que ces recettes ne sont pas adaptées à l’alimentation des bébés car trop riches en sucres pour une densité énergétique insuffisante.

Recommandation de l’OMS pour les snacks : densité énergétique maximale de 50 kcal/portion afin d’éviter qu’ils ne se substituent aux repas

Toutes les références échantillonnées ne précisent pas de portion indiquée. Pour celles qui le font, dans le tableau des valeurs nutritionnelles ou à travers des suggestions de goûter par exemple, les tailles de portion varient de 5 à 20 g et correspondent à des apports caloriques entre 23 et 93 kcal.

Citons par exemple les Biscuits aux pépites de chocolat de My Carrefour baby bio avec une portion de 20 g (2 biscuits) pour un apport de 93 kcal ou les Biscuits tout ronds vanille de Good goût avec une portion de 20 g (1 sachet) pour un apport de 89 kcal.

Recommandation de l’OMS pour les purées de légumes : 25% maximum d’eau de cuisson. Pas de seuil de densité énergétique pour ne pas dissuader les industriels de cuisiner des légumes naturellement faibles en calories

La plupart des purées de légumes échantillonnées présentent une teneur en eau de cuisson autour de 23%. Seulement 4 recettes sur 11 dépassent 25%.

L’OMS n’exprime pas de recommandations particulières sur les additifs dans les produits infantiles

La réglementation européenne n’autorise que 65 additifs en alimentation infantile. Or, 37 additifs parmi ceux-ci ne sont pas autorisés en bio. Par exemple, l’additif E471 utilisé comme texturant est autorisé en alimentation infantile mais pas en bio. Des études suggèrent qu’il pourrait perturber le microbiote et favoriser les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Choisir des produits destinés aux enfants en bas âge ET bio est donc nettement plus protecteur !

38% des produits étudiés contiennent au moins un additif.

C’est la catégorie des produits laitiers qui est la plus concernée par la présence d’additifs puisque 94% d’entre eux en contiennent un ou plusieurs. Il s’agit principalement d’épaississants (amidons modifiés E14XX, farine de graines de caroube E410, pectine de fruits E440), d’émulsifiants (lécithines E322, mono- et diglycérides de colza E471) et de correcteurs d’acidité (citrate de sodium E331, bicarbonate de sodium E500, hydroxyde de potassium E525, acide citrique E330).

Leur emploi est un marqueur d’ultra-transformation. Les agents émulsifiants en particulier sont suspectés de perturber le microbiote et de jouer un rôle dans la survenue de l’inflammation intestinale chronique4. Une récente étude a mis en lumière une association possible entre la consommation d’émulsifiants (E331, E415, E471 notamment) et un risque accru de développer un cancer5.

73% des snacks contiennent des additifs du type poudres à lever (carbonates d’ammonium, tartrates de potassium, bicarbonate de sodium) qui, à date, ne sont pas suspectés d’effet néfaste sur la santé humaine.

35% des recettes à base de fruits et légumes en contiennent. Ce sont principalement des épaississants, gélifiants et antioxydants dans les desserts aux fruits.

30% des repas contiennent des additifs, principalement de l’amidon transformé et des épaississants.

Aucune préparation céréalière ne contient d’additifs.

Recommandation de l’OMS : limiter les arômes en alimentation infantile

L’OMS pointe du doigt l’emploi d’arômes en alimentation infantile car ils peuvent influencer les préférences gustatives des enfants et leur appétence ultérieure pour des aliments plus gras et sucrés. Sont en particulier citées comme inadaptées les aromatisations vanille, cannelle, miel, chocolat, cacao, stracciatella ou encore cacahuète.

90% des préparations céréalières en poudre de notre enquête présentent une aromatisation : cacao, vanille, arôme naturel de caramel, arôme naturel (sans plus de précision), etc.

77% des produits laitiers présentent une aromatisation à saveur sucrée : arôme naturel de vanille dans des desserts à base de semoule, des desserts lactés au cacao, au chocolat blanc, ou avec un arôme naturel de coco.

 

4 https://www.fondation-arc.org/actualites/2021/emulsifiants-le-microbiote-sous-influence
5 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9593865/

Produits laitiers et purées de fruits « spécial bébé » ou non ?

Le consommateur peut légitimement se demander s’il vaut mieux donner à son bébé des laitages et des purées de fruits spécial bébé ou non.
Dans son guide de la diversification alimentaire, Santé Publique France indique que pour les laitages, cela n’est pas nécessaire de donner un produit spécifique pour bébé, notamment car ces derniers sont plus chers.
Elle recommande de donner des yaourts au lait entier, des petits-suisses ou des fromages blancs non sucrés.
Le tableau ci-dessous compare les valeurs nutritionnelles du Brassé saveur nature sans sucres ajoutés de Blédina et un yaourt nature au lait entier classique.

Tableau produits laitiers

Dans cette comparaison, il n’y a pas d’intérêt nutritionnel à consommer le dessert lacté « spécial bébé » plutôt que le yaourt nature au lait entier classique. Les valeurs nutritionnelles sont globalement équivalentes et le yaourt au lait entier contient sensiblement plus de matières grasses et de calcium. La liste d’ingrédients du brassé pour bébé est en revanche considérablement plus longue. Il contient un arôme naturel et pas moins de 6 additifs : amidon transformé de maïs E14XX, acide citrique E330, pectine E440, farine de graines de caroube E410, monodiglycérides de colza E471 et acide ascorbique E300.

Constat identique pour les purées de fruits (sans sucres ajoutés par définition) biologiques des rayons généralistes qui peuvent tout à fait être choisies, en particulier en bocal en verre. Ce conditionnement qui peut servir à toute la famille, est plus économique et permet d’adapter la portion à l’appétit du bébé tout en évitant le suremballage.

Des allégations nutritionnelles et "santé" sur des produits dont la consommation est à limiter

D’après l’OMS, aucune allégation nutritionnelle, compositionnelle ou de santé ni aucune communication marketing ne devrait être autorisée sur les packagings ou les supports promotionnels des aliments infantiles

Ces allégations risquent d’interférer avec les recommandations de santé publique. Elles peuvent saper la confiance des parents sur la qualité des préparations maison en présentant les produits commerciaux sous un angle avantageux.

Sur les 207 produits échantillonnés, 80% présentent une mention « santé » et/ou nutritionnelle, que ce soit une allégation réglementaire ou marketing.

fleche noire33% des produits étudiés portent une allégation nutritionnelle relative à la teneur en sucres, qu’il s’agisse de réduction de la teneur en sucres ou d’une absence de sucres ajoutés. La plus utilisée est l’allégation « sans sucres ajoutés (contient des sucres naturellement présents) » qui est présente sur 55 produits. Certains contiennent pourtant une teneur élevée en sucres comme la purée de fruits banane pomme de la marque Babybio qui contient 15 g/100 g de sucres. 92% de l’apport calorique global provient donc des sucres.

L’OMS recommande de mieux sensibiliser le consommateur à la teneur élevée en sucres des recettes à base de fruits notamment.

fleche noire31% des produits portent des allégations relatives à l’absence de sel ajouté ou à la faible teneur en sel.

La majorité d’entre eux présentent une quantité de sel faible : inférieure à 0,125 g/100 kcal (seuil fixé par l’OMS).

Mais, 14 repas salés contiennent du sel ajouté et dépassent ce seuil : de 0.26 à 0.41g/100g

fleche noire34% des produits portent une allégation relative à l’équilibre nutritionnel de la recette ou font référence à une expertise scientifique : « grâce à nos produits spécialement adaptés aux besoins de bébé », « exprès pour les bébés », « Bébé peut grandir en toute confiance grâce à nos produits spécialement adaptés à ses besoins nutritionnels », « experts en nutrition infantile et inventeurs de céréales pour bébé en France », « Blédine inventée par 2 pharmaciens Léon Jacquemaire et Maurice Miguet », « Plus de 60 ans d’expertise, plus de 260 contrôles qualité » ou encore « Nous élaborons des formules qui contribuent à répondre aux besoins nutritionnels des bébés (conformément à la réglementation de l›alimentation infantile) ».

Ces mentions laissent penser que le produit a été développé avec le concours de scientifiques, médecins ou diététiciens.

Un numéro de diététicien conseil figure sur certains packagings. Cela participe à créer le sentiment que les aliments infantiles sont nutritionnellement supérieurs aux produits d’alimentation générale ou au fait maison.

Cette expertise est mise en lien avec le respect de la réglementation comme garant de l’équilibre nutritionnel.

Or nous avons vu précédemment que les critères nutritionnels établis dans la réglementation sont insuffisants. Les formules « convient aux besoins de bébé » perdent donc de leur sens.

7% des produits portent une allégation santé : « Le fer contribue au fonctionnement normal du système immunitaire et au développement cognitif normal », « Du calcium pour contribuer au développement normal des os de bébé » ou encore « Oméga 3 pour contribuer au développement normal du cerveau et du système nerveux ».

Certaines mentions, comme « sans conservateur », « sans colorant » ou « sans résidus de pesticides » font simplement référence à la réglementation en vigueur et n’apportent pas de garanties supplémentaires par rapport à un produit qui n’afficherait pas ces mentions.

Nous considérons que ces allégations ne devraient pas figurer sur des produits dont la composition nutritionnelle globale ne respecte pas les recommandations de l’OMS et qui sont donc à consommer de façon occasionnelle.

Des bons et des mauvais élèves

Des produits riches … en sucre, additifs et arômes

bledina3 ingrédients sucrants : sucre, caramel et dextrose. De nombreux additifs : maltodextrines, émulsifiant (lécithine de soja), correcteurs d’acidité (bicarbonate de sodium, hydroxyde de potassium), antioxydant : extrait riche en tocophérols).

ingrédients

 

 

 

 

 

NestléLa préparation céréalière Babicao de Nestlé a beau contenir 77% de céréales, elle contient aussi beaucoup de sucre : 36% de la valeur énergétique provient des sucres alors qu’elle ne devrait pas dépasser 30% selon l’OMS.

Ingrédients céréales 77% (farine de BLE hydrolysée, farines de BLE, d’ORGE, de SEIGLE, de maïs, d’EPEAUTRE, de riz, de TRITICALE et d’AVOINE complète), sucre, cacao maigre en poudre 6,3%, vitamines : C, E, niacine, thiamine, A, B6, acide folique, D ; vanilline, minéraux : fumarate ferreux, sulfate de zinc, iodure de potassium.

bioLe sucre est le premier ingrédient de ces biscuits bio de Monoprix :

27% de la valeur calorique viennent des sucres alors qu’elle ne devrait pas dépasser 15% selon l’OMS.

Ingrédients : sucre roux de canne*, farine de blé*, amidon de blé,oeuf entier*, huile de colza*, poudres à lever : carbontes d’ammonium et tartrates de potassium, arôme naturel de vanille, thiamine (vitamine B1)

gourmandLes P’tit gourmand saveur chocolat blanc de Nestlé affiche la mention « réduit en sucres » qui donne une image de produits sains. Pourtant, il contient 10 g/100 g de sucre, soit 3 fois plus qu’un yaourt nature au lait entier.

Ingrédients : LAIT entier 89%, sucre, amidon, LAIT écrémé en poudre, beurre de cacao, arôme naturel, arôme naturel de vanille, épaississant (farine de graines de caroube), correcteur d’acidité (hydroxyde de potassium

CÉRÉALESGare aux aromatisations cachées : le produit Nestlé P’tite céréale 5 céréales, que l’on imaginerait nature d’après la face avant de l’emballage, contient en réalité de la vanilline.

Ingrédients : Farine 99% (de BLÉ diastasée 50%, de BLÉ 41%, d’ORGE 2%, de SEIGLE 2%, de maïs 2%, d’AVOINE complète 1,7%), minéraux (carbonate de calcium, fumarate ferreux, sulfate de zinc, iodure de potassium), vitamines (A, B1, B3, B6, B9, C, D, E), vanilline.

petit souperLe « P’tit souper Purée aux 7 légumes » de Nestlé contient une teneur élevée en sel : 0,58 g/100 kcal, soit près de 5 fois plus que ce qui est recommandé par l’OMS. Cette recette contient du sel ajouté qui pourrait être évité !

Ingrédients : LAIT écrémé reconstitué 35%, carottes 13%, pommes de terre 13%, petits pois 12%, courgettes 7%, eau de cuisson, oignons 4%, poireaux 3%, huile de colza, amidon, épinards 1%, sel, jus de citron concentré, arôme naturel (LAIT), laurier, ail.

galetteMa mini galette de riz yaourt de France bébé bio qui indique « yaourt, pour les petits et grands » avec un visuel de yaourt ainsi que « Le yaourt : du lait, des ferments, rien de plus naturel » alors qu’il s’agit d’un nappage essentiellement sucré avec de la poudre de yaourt et du beurre de cacao se rapprochant davantage du chocolat blanc.

L’âge cible ne figure pas sur le produit, qui semble inadapté aux bébés, mais tant le nom de la marque que les conseils laissent entendre qu’il leur est adapté.

Ingrédients : Nappage yaourt (lait)* 60% (sucre de canne* 46%, beurre de cacao* 36,6%, poudre de yaourt écrémé (lait)* 9%, poudre de lait entier* 8%, émulsifiant : lécithine de soja*), riz* 40%

 

Des produits sans ingrédient sucrant ni additif

france bebe

 

Les snacks Les craquants de France Bébé Bio ne contiennent que de la semoule de maïs.

Ingrédients : semoule de maïs 100%

 

 

 

carreLes carrés Mangue de Good Goût ne contiennent ni ingrédient sucrant ni additif.

Ingrédients : 66.5% de riz bio, 10% de pois chiches bio, 7.5% de lait entier bio, 5% de quinoa bio, 5% de sarrasin bio, 3% mangues bio, 3% arôme naturel bio, vitamine B1.

 

 

bledina

 

Les multi-céréales de Blédina sont natures et sans ingrédients sucrants.

Ingrédients : farines (farine de blé 90,0 % (GLUTEN), Farine de maïs 5,0 %, Farine complète d’avoine 5,0 %) – Vitamine B1.

 

 

 

brassé natureLes brassés nature sont un des rares produits laitiers étudiés qui ne contiennent ni ingrédients sucrants ni aromatisation.

Ingrédients : lait fermenté de France 75%, eau, fécule de manioc, épaississant : pectine de fruits, jus concentré de citron d’Espagne.

 

 

Vers un étiquetage nutritionnel pour les produits infantiles ?

Les produits d’alimentation infantile ne sont pas éligibles à l’apposition du Nutri-Score6 car les besoins des enfants en bas âge sont spécifiques, notamment concernant les apports en matières grasses, et l’algorithme n’est pas adapté aux besoins nutritionnels des enfants mais à ceux des adultes.

Néanmoins, dans la mesure où nous avons vu que les critères nutritionnels fixés par la réglementation étaient insuffisants, nous avons trouvé intéressant d’appliquer l’algorithme du Nutri-Score sur la catégorie des snacks qui correspondent à des aliments facultatifs du régime alimentaire des bébés.

Parmi les 26 références de type snacks échantillonnées, la majorité (19 produits) serait notée D ou E :

effectifs

Simulation de calcul du Nutri-Score pour les 26 produits de type snacks échantillonnés.

6 https://www.santepubliquefrance.fr/media/files/02-determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/nutri-score/qr-scientifique-
technique

ANNEXES

Annexe 1 : la réglementation des produits infantiles

Dans l’Union européenne, le secteur de l’alimentation infantile est régi par le règlement cadre relatif aux groupes de population spécifiques n°609/20137. Il encadre les préparations pour nourrissons et préparations de suite (laits infantiles), les préparations à base de céréales et les autres denrées alimentaires destinées aux nourrissons (moins de 12 mois) et enfants en bas âge (entre 1 et 3 ans). Il se décline ensuite en règlements délégués pour chaque type d’aliments.

Ce règlement établit des critères de composition nutritionnelle et fixe des mentions d’étiquetage obligatoires ou facultatives. Ainsi, il est obligatoire de faire figurer l’âge à partir duquel le produit peut être proposé. Il ne peut être inférieur à 4 mois. Le règlement fixe à 0,01 mg/kg la teneur maximale autorisée en résidus de pesticides, sauf pour certaines substances pour lesquelles une teneur maximale spécifique est fixée. Il interdit l’utilisation de certains pesticides dans les produits agricoles destinés aux aliments pour bébés. Il fixe la liste des additifs autorisés et interdit l’utilisation de colorants, édulcorants et conservateurs.

La réglementation fixe soit la teneur maximale en glucides de certains aliments pour bébés soit la quantité maximale autorisée de sucres ajoutés dans les préparations à base de céréales. Mais ces règles sont moins exigeantes que les recommandations de l’OMS.

En 2022, l’OMS a publié un guide de recommandations quant à la composition et aux messages promotionnels des produits d’alimentation infantile. Parmi ces recommandations :

  •  Ne pas apposer d’allégations nutritionnelles et de santé
  • Ne pas ajouter de sucre et agents sucrants (sucre, jus concentré, miel…)
  •  Ne pas proposer de confiseries et de boissons sucrées
  •  Pour les snacks et plat: un maximum de 15% de l’énergie doit provenir des sucres
  •  Pour les snacks: énergie totale maximum 50 kcal par portion
  •  Pour tous les produits : maximum 4.g/100kcal de AGT, max 50mg/100kcal de sodium
  •  Indication à l’avant de l’emballage les produits dont l’apport en sucre dépasse:
    • Un seuil maximal de 40% de l’énergie totale pour les produits laitiers
    • Un seuil maximal de 30% de l’énergie totale pour les purées de fruits, desserts et snacks eux fruits

La réglementation européenne ne fixe pas d’exigence sur la teneur en sucres totaux.

Une contribution des sucres ajoutés jusqu’à 30% de l’apport calorique est ainsi permise dans les préparations céréalières et biscuits alors que l’OMS recommande une absence de sucres ajoutés dans ces produits et une contribution inférieure à 15% dans les biscuits. Concernant les purées de fruits et les desserts, la réglementation fixe une teneur maximale en glucides totaux à 20 et 25 g/100 g respectivement alors que l’OMS préconise un focus sur la contribution des sucres totaux à l’apport calorique ainsi que sur l’absence de sucres ajoutés. La réglementation européenne ne fixe aucune exigence quant à la teneur en sucres des produits de type repas alors que l’OMS prône un seuil de 15% maximum de l’apport calorique en provenance des sucres.

Ainsi, l’OMS juge insuffisantes les exigences réglementaires en matière de composition nutritionnelle et conclut à l’impérieuse nécessité de mettre à jour la réglementation, quant à ses exigences et aux catégories de produits considérées.

7 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A02013R0609-20230321

 

Annexe 2 : les recommandations de Santé Publique France

Santé Publique France a édité en 20218 de nouvelles recommandations sur la diversification alimentaire des tout-petits :

  • Privilégier le fait maison qui offre plus de textures, de variétés de goûts et permet d’inclure des aliments de saison. Limiter si possible les petits pots et plats préparés du commerce lorsque que l’on n’a pas le temps de cuisiner, hors domicile ou en voyage.
  • Éviter les produits ultra-transformés.
  •  Jusqu’à 3 ans, ne pas saler le fait maison ou les petits pots. Sucrer les yaourts ou fromages blancs avec des fruits entiers écrasés.
  • Ajouter des matières grasses: huile de colza, de noix ou d’olive et de temps en temps, du beurre.
  •  Proposer de l’eau dès 6 mois. A contrario, les jus et les boissons aux fruits sont très sucrés et non recommandés.
  •  Dès la naissance et jusqu’à 4 mois: du lait et rien que du lait. Allaiter est le moyen le plus naturel de débuter une alimentation saine.
  • Les boissons végétales ne répondent pas aux besoins nutritionnels des enfants de moins de 1 an. Les boissons au soja et tous les produits à base de soja sont déconseillés avant 3 ans car ils contiennent un composant suspecté d’être un perturbateur endocrinien (isoflavones).
  •  Entre 4 et 6 mois: commencer à proposer de tout, y compris les familles d’aliments pouvant provoquer une allergie. Après 6 mois, le lait seul ne suffit plus à couvrir les besoins du bébé.
  •  Donner du yaourt, des petits suisses, du fromage blanc non sucré … En plus de la tétée au sein ou du biberon. Il n’est pas nécessaire de donner des produits laitiers « spécial bébé » qui sont plus chers.
  •  Les textures:
    • à partir de 6/8 mois :aliments hachés ou écrasés grossièrement = purée granuleuse,
    • à partir de 8 mois : aliments en morceaux très mous qui s’écrasent entre la langue et le palais ou entre les doigts,
    • à partir de 10 mois : aliments en morceaux à croquer, mâcher entre les dents.
  •  De 1 à 3 ans, donner toujours beaucoup de lait maternel ou de croissance car il est enrichi en fer. Si lait de croissance, le prendre nature sans sucre ni arôme ajouté.
  •  Limiter au maximum les viennoiseries, gâteaux, biscuits ou du chocolat et les introduire le plus tard possible.
  • Les biscuits, gâteaux et produits chocolatés proposés dans le commerce pour les moins de 3 ans sont également souvent trop gras et sucrés.

8 https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/541845/3943565?version=1

Enquête alimentation CLCV

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