Accompagnement des locataires face à la crise énergétique
Accompagnement des locataires face à la crise énergétique
La crise énergétique actuelle, dans un contexte de forte inflation sur l’ensemble des produits de première nécessité, a un impact important sur la capacité des locataires à payer leur loyer et leurs charges. Plusieurs dispositifs existent pour accompagner les locataires du mieux possible et éviter les situations de dettes locatives.
1 Bouclier tarifaire gaz et électricité en habitat collectif
a)Qu’est-ce que le bouclier tarifaire ?
Le bouclier tarifaire est un dispositif mis en place par le Gouvernement depuis novembre 2021 afin de limiter les hausses des prix du gaz et de l’électricité.
Le bouclier tarifaire individuel gèle les tarifs règlementés de vente gaz (TRVg, tarifs historiques également appelés B1) du gaz.
Le bouclier tarifaire était réservé aux logements individuels, car les bailleurs sociaux et les copropriétés n’ont plus accès aux TRV depuis la loi Climat de 2019. En effet, les bailleurs sont considérés comme des entreprises, et un tarif réglementé est considéré comme une aide d’Etat depuis 2017 suite à une décision du Conseil d’Etat. Le bouclier tarifaire individuel n’était donc pas applicable.
Sous la pression de la CLCV et des nombreux témoignages de locataires, le bouclier tarifaire a été prolongé à l’habitat collectif en février 2022 (avec effet rétroactif à novembre, à la suite du décret du 9 avril 2022). Il vise le même objectif : limiter les hausses des prix de l’énergie (gaz, électricité, chauffage urbain).
b) Comment fonctionne le bouclier tarifaire collectif ?
Le bouclier tarifaire en habitat collectif est un dispositif spécifique impliquant les fournisseurs d’énergie, les bailleurs, les locataires ou copropriétaires et l’Etat.
En individuel, le fournisseur d’énergie effectue l’ensemble de la démarche auprès de l’Etat. Le locataire ou le propriétaire n’a rien à faire et bénéficie directement de la protection du bouclier sur sa facture d’électricité et/ou de gaz.
En collectif, le système est plus complexe afin de ne pas être considéré comme une aide d’Etat. Voici la chronologie de la demande d’aide :
- – Le bailleur social (ou le syndic de copropriété) atteste sur l’honneur avoir besoin d’une aide concernant les factures d’énergie auprès de son fournisseur (Engie, EDF, Total, etc.)
- – Le fournisseur calcule le montant de l’aide en fonction des consommations d’énergie et la transmet à l’Agence de services et de paiement de l’État.
- – L’Agence instruit la demande et verse l’aide au fournisseur. Elle peut vérifier si l’aide correspond bien à la demande.
- – Le fournisseur d’énergie reverse l’aide au bailleur (ou au syndic) dans un délai de 30 jours
- – Le bailleur (ou syndic) informe les occupants (locataires et/ou copropriétaires) de la réception de l’aide et l’impute sur les charges sous forme de recalcul des provisions ou lors de la régularisation annuelle.
Il faut compter entre 3 et 4 mois entre la demande d’aide et son versement auprès des locataires.
c) Quel est le montant de l’aide du bouclier tarifaire gaz ?
Le calcul de l’aide du bouclier tarifaire en habitat collectif est assez complexe.
Elle se base sur le calcul des tarifs règlementés de gaz par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Le régulateur calcule chaque mois le niveau des tarifs règlements en fonction des marchés de l’énergie (TTF néerlandais et PEG européen). Le niveau du TRV est publié à la fin de chaque mois sur le site de la CRE :
Entre novembre 2021 et décembre 2022, le TRV gaz était gelé à 64,90 euros du MWh, hors taxe.
La formule de calcul de l’aide en 2022 était la suivante :
TRV non gelé (en fonction du mois de la demande d’aide) – TRV gelé (soit 64,90 euros du MWh)
Une aide demandée en septembre 2022 était par conséquent de :
158,70 euros du MWh – 64,90 euros du MWh = 93,80 euros du MWh (hors taxe)
L’aide est donc variable selon la date de la demande. Elle ne peut être plus forte que le TRV gelé. Le prix minimum est donc désormais de 64,90 euros du MWh hors taxe) en 2022.
Beaucoup de bailleurs ont souscrits des contrats à prix fixe très attractifs entre 2018 et 2020, avec un prix moyen autour des 20 euros du MWh (Paris Habitat, 17 euros du MWh). Ce prix était historiquement bas. Il y aura donc automatiquement une hausse, ici justifiée, des charges d’énergie (chauffage, électricité, etc.) pour les locataires en habitat collectif, indépendamment du bouclier tarifaire.
Jusqu’à juin 2022, nous ne constations pas de difficulté particulière concernant le bouclier tarifaire collectif.
A partir de juillet 2022, une quinzaine de bailleurs sociaux (notamment en régions Ile-de-France, Grand-Est et Hauts-de-France), ont choisi, non sans contrainte de la part des fournisseurs d’énergie et du marché de gros, de renouveler leur contrat d’énergie. Les prix du marché étaient alors au plus haut entre juillet et décembre 2022, pouvant atteindre dans des très rares cas jusqu’à 400 euros du MWh. On parle de contrats chers. Le bouclier tarifaire 2022 ne couvre alors pas assez pour protéger les locataires. La CLCV a fait pression, avec l’USH, sur le gouvernement pour apporter une aide complémentaire.
Par exemple, pour un contrat cher à 200 euros du MWh, avec une demande d’aide en mars 2023 (TRV non gelé de février 2023 : 136,80 euros du MWh), l’aide sera la suivante :
– (136,80 – 77,90) + 75% (200-1,3*136,80) = 75,52 euros du MWh, hors taxe
Le prix du gaz pour le locataire sera donc de 200-75,52 = 124,48 euros du MWh
L’aide aurait été avec l’ancien calcul de 58,90 euros du MWh seulement et le coût pour les locataires de 141,10 euros du MWh.
d) Quel est le montant de l’aide pour le bouclier tarifaire électricité ?
L’électricité est apparue tardivement comme un problème en habitat collectif. Comme le gaz, l’électricité a subi la volatilité des marchés, car dépendante du dernier kWh produit (souvent du gaz). Les prix ont donc explosé, passant de 50 euros du MWh à presque 1000 euros du MWh.
Si les logements individuels et la consommation d’électricité individuelle bénéficient directement du bouclier tarifaire, ce n’était pas le cas de l’électricité des parties communes et du chauffage collectif électricité (les planchers chauffants par exemple). Le gouvernement a annoncé en septembre 2022 un bouclier tarifaire électricité similaire au gaz, avec une publication avant la fin de l’année.
Depuis le 31 décembre 2022, une aide spécifique similaire au bouclier tarifaire gaz est mise en œuvre, avec application rétroactive pour le second semestre 2022. Le calcul est similaire au gaz, mais avec quelques spécificités.
Pour 2022, l’aide est plafonnée à 130 euros du MWh selon la formule de calcul suivante :
– 70% (Tarif – TRV gelé) + 75% (Tarif – 1,3*TRV non gelé)
Cette aide n’est possible que pour les contrats signés entre juillet 2022 et décembre 2022.
Pour 2023, l’aide est un peu meilleure :
– 100% (Tarif réel – TRV gelé) + 75% (Tarif réel – 1,3*TRV non gelé)
L’objectif est de se rapprocher des « Tarifs bleus option base résidentiels », sans aller au-delà. Les délais de versement de l’aide sont identiques au gaz, d’après l’USH et le Ministère de la Transition Énergétique.
Des négociations sont en cours entre le Gouvernement et les fournisseurs d’énergie afin d’assurer un prix plafond de 280 euros du MWh pour le gaz de manière rétroactive. Nous n’avons pas d’information spécifique pour le moment sur l’avancée de ces négociations.
Depuis le 31 décembre 2022, le bouclier tarifaire gaz en habitat collectif dispose d’une nouvelle formule de calcul d’aide :
– (TRV non gelé – TRV gelé) + 75% (Tarif réel – 1,3*TRV non gelé)
Ce mode de calcul permet une meilleure prise en compte des tarifs réellement payés par les locataires.
Depuis janvier 2023, le TRV gaz gelé a augmenté de 15%, et est donc à 77,90 euros du MWh, hors taxe.
2 Accompagnement des locataires chez les bailleurs sociaux
Si le bouclier tarifaire apporte une aide non négligeable pour les locataires, il peut ne pas suffire. C’est pourquoi des dispositifs complémentaires existent pour les ménages les plus fragiles
a) Les chèques énergies
Plusieurs chèques énergies existent pour aider les locataires à payer leurs factures d’énergie.
- Le chèque énergie classique
Ce chèque est attribué sous conditions de ressources. Peuvent en bénéficier les personnes ayant un revenu fiscal de référence par personne (unité de consommation) de moins de 10 800 euros par an. Le montant est dégressif en fonction des revenus (de 277 euros à 48 euros). Aucune démarche n’est nécessaire et l’administration vous envoie directement le chèque.
Le paiement des factures peut se faire en ligne via le site du chèque énergie (https://chequeenergie.gouv.fr/) ou en envoyant le chèque à votre fournisseur d’énergie. Il doit être utilisé avant le mois de mars de l’année suivant l’émission du chèque.
- Le chèque énergie exceptionnel 2022
Un second chèque a été mis à disposition par l’État en 2022. Son montant est de 200 euros pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 10 800 euros par an, et de 100 euros pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 17 400 euros par an.
La CLCV souhaitait que ce chèque soit d’un montant allant jusqu’à 600 euros pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 2000 euros par mois, et qu’il soit pérennisé pour l’année 2023.
- Les chèques fioul et bois
Pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 17 400 euros par an, l’État a versé un chèque fioul de 200 euros en novembre 2022. La demande se fait en ligne via le portail ci-dessous : https://chequeboisfioul.asp-public.fr/chqfuel/
Pour le bois, la démarche est identique, avec un chèque allant de 50 à 200 euros par mois sous conditions de ressources.
Pour les personnes en chauffage collectif, une attestation spécifique devra être remplie par le bailleur avant de l’envoyer au fournisseur d’énergie.
b) Les fonds énergie
Deux fonds d’aide existent, notamment par Action Logement. Le premier fonds est réservé aux salariés ayant subis une hausse de plus de 100 euros de leurs provisions de charges, et disposant d’un reste à vivre par jour inférieur à 15 euros. Ce fonds est financé à parité par une filiale d’Action Logement, Soli’AL, et les bailleurs sociaux partenaires du fonds, à hauteur de 45 millions d’euros. Le montant de l’aide peut atteindre 600 euros par ménage. La demande s’effectue via son bailleur social
Le second fond est spécifique aux bailleurs membres d’Action Logement, à hauteur de 10 millions d’euros. Ces fonds peuvent se cumuler. Le dispositif est enclenché via les bailleurs et la plateforme Soli’Aide : https://soliaide.actionlogement.fr/
c) Le fonds de solidarité logement (FSL)
Piloté par les départements, ce fonds permet d’aider financièrement les locataires en situation d’impayé de loyer, de charges, ou sur les fluides (eau, gaz, électricité). Le dossier est plus complexe et nécessite un accompagnement social dédié, en lien avec les centres communaux d’action sociale (CCAS).
d) La charte d’engagements USH – associations
Cette charte complète les différents dispositifs en proposant des échéanciers de paiement des charges (nous recommandons un plafond à 50 euros par mois, avec un échéancier plus ou moins long selon les montants demandés), un accompagnement social des ménages par le bailleur, la mobilisation des différentes aides, voire un apurement de la dette. Les bailleurs s’engagent à ne pas expulser les locataires de bonne foi en situation d’impayés de leurs charges d’énergie, de geler les loyers des logements F et G, et d’accompagner les ménages en difficulté. Il est nécessaire de bien faire appliquer cette charte chez l’ensemble des bailleurs sociaux.
3 Actions de la CLCV
Au-delà des différentes aides mobilisables, la CLCV agit actuellement auprès des pouvoirs publics pour protéger les ménages face à la hausse des prix.
a) Garantir les Tarifs Règlementés de Vente
Nous faisons pression sur le Gouvernement et le Parlement pour prolonger les TRV gaz afin d’assurer une sécurité contractuelle aux ménages qui en dépendent, et assurer le fonctionnement opérationnel des boucliers tarifaires. En effet, les TRV gaz doivent disparaître complètement d'ici juillet 2023 d’après la loi Climat de 2019. Compte tenu de la volatilité des prix, cela affecterait près de 2,8 millions de ménages, et aggraverait la crise énergétique.
La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a proposé de remplacer les TRV gaz par un indice de référence, mais ce-dernier ne constitue pas un prix contractuel et n’assure donc pas la sécurité des prix pour les ménages. Une offre « Passerelle » par Engie sera proposé à tous les ménages qui n’ont pas changer de fournisseur d’ici le 1er juillet. Nous ne disposons pas encore du détail de cette offre et des garanties qu’elle propose par rapport au tarif règlementé.
Nous avons adressé plusieurs lettres ouvertes aux Ministres concernés (Bruno Le Maire, Olivier Klein, Agnès Pannier-Runacher) ainsi qu’au Président de la République et à l’ensemble des Députés et Sénateurs.
Dans le cas où cette action ne porterait pas ses fruits, nous vous recommandons d’échanger avec vos bailleurs respectifs afin qu’ils négocient un prix fixe avec les fournisseurs tant que les prix du gaz sont bas. D’autres actions sont prévues au Parlement afin de protéger les usagers face à la volatilité des prix.
b) Améliorer les dispositifs d’aides existants
Nous faisons pression sur le Gouvernement pour améliorer les chèques énergies, coordonner les politiques des fonds de solidarité logement (FSL) entre les départements afin que les ménages bénéficient des aides nécessaires au paiement de leurs charges.
c) Vérifier la bonne application des boucliers tarifaires
Nous regardons avec les bailleurs sociaux et les copropriétés pour que les boucliers soient bien utilisés, notamment au niveau des montants d’aides et de l’envoi des dossiers. En complément, nous travaillons avec les bailleurs pour que la négociation des contrats soit la plus transparente possible et permette de garantir le meilleur prix aux locataires. Nous menons également des actions en justice contre les fournisseurs d’énergie qui ne respectent pas les termes de leur contrat
d) Informer les locataires
Il est essentiel d’expliquer aux locataires les aides dont ils peuvent bénéficier et les limites du bouclier. Nous devons également les inciter à limiter leurs consommations d’énergie lorsque c’est possible, et garantir un accompagnement social dédié de la part des services publics et de leur bailleur.