LOI ANTI-SQUAT
Face à un vrai problème, des propositions absurdes et dangereuses pour les locataires de bonne foi !
Les députés de la majorité présidentielle ont récemment déposé une proposition de loi contre l’occupation illicite des logements. Si le problème des squats est réel et nécessite une réforme, certaines mesures vont gravement fragiliser les locataires de bonne foi en situation difficile.
La proposition de loi du député Guillaume Kasbarian ainsi que du groupe Renaissance consiste à alourdir les sanctions contre l’occupation illicite (le squat), transformer les règles concernant les impayés de loyers et réduire l’accès au juge en cas de litige. La question du squat est en effet un problème, même s’il est exceptionnel. Les délais actuels pour évacuer une personne en situation d’occupation illicite sont insuffisants et des mesures législatives et pratiques doivent être prises pour apporter des solutions protectrices aux propriétaires concernés.
Les autres mesures de cette proposition de loi concernant les loyers et l’accès au juge nuisent grandement à l’équilibre des relations entre bailleur et locataire. La force de la loi du 6 juillet 1989 est précisément sa faculté à concilier le droit de propriété avec le droit au logement, tous deux à valeur constitutionnelle. Or, cette proposition fait fi du droit au logement. Mais face à quelques cas constituant une nuisance pour les propriétaires, le président de la commission des affaires économiques s’attaque frontalement aux locataires de bonne foi pouvant être confrontés à des difficultés de paiement.
La CLCV s’étonne d’ailleurs d’une telle révérence face aux demandes des lobbys des propriétaires. Le ministre du Logement Olivier Klein lui-même indiquait que ces mesures étaient contestables et souhaitait une modification de la rédaction de cette proposition de loi.
Les députés de la majorité présidentielle souhaitent supprimer la compétence du juge à suspendre une expulsion en cas d’impayé. Le juge peut actuellement user de cette compétence afin de proposer un étalement du paiement de la dette dans une limite de trois ans. En supprimant cette compétence, les députés seront responsables d’une montée drastique des expulsions et donc des personnes à la rue. En effet, beaucoup de ménages (chez les bailleurs privés comme sociaux) bénéficient actuellement d’étalements des paiements du fait d’un changement de situation familiale (perte d’emploi, divorce, handicap, etc.). La situation s’aggrave avec la flambée des prix de l’énergie. Les étalements des paiements ainsi que la suspension des expulsions sont donc nécessaires pour de nombreux Français.
En voulant simplifier la gestion des impayés de loyers, les députés vont aggraver le problème et empêcher toute solution viable entre locataire et bailleur, tout en réduisant l’accès à la justice. Les députés signataires veulent également réduire le délai entre l’impayé de loyer et la demande d’expulsion. Selon eux, un mois de loyer impayé équivaut obligatoirement à une procédure d’expulsion. Une telle réduction du délai empêcherait par conséquent tout règlement à l’amiable et empoisonnerait les relations entre locataire et bailleur, tout en encombrant la justice.
Il aurait été bien plus judicieux de la part des députés de proposer une véritable garantie universelle sur les loyers, comme la loi ALUR de 2014 l’avait proposée avant que la loi ELAN de 2018 ne la supprime, afin que l’État joue un rôle de médiation en garantissant le versement des loyers. Il aurait ainsi protégé les bailleurs contre les impayés, et les locataires contre les risques d’expulsions.
Alors que nous sommes confrontés à une grave crise du logement, que 2 millions de personnes attendent toujours un logement social, et que de nombreux immeubles restent vacants, cette proposition de loi criminalise les locataires et aggrave leur situation. Il y a encore peu, l’occupation des immeubles vacants avait permis de faire avancer le droit au logement.
La CLCV s’oppose de manière véhémente à cette proposition de loi qui va à l’encontre des locataires et des bailleurs, tout en réduisant l’accès à la justice.