La Pive, une initiative solidaire et une monnaie locales
A l’occasion de la journée mondiale des Droits des consommateurs, et peu de temps après le lancement du portefeuille numérique L’App’ Pive, nous avons choisi de consacrer un article à la Pive, la monnaie locale et complémentaire franc-comtoise.
Pour ce faire, je suis allée à la rencontre de Marie Hocquet, chargée de la communication et de l’animation au sein de l’association La Pive, puis ai échangé avec Anthony Poulin, fidèle utilisateur de la Pive, et j’ai terminé mon périple par une rencontre avec Eva Oberson, la tenancière du café-boutique médiéval Le Calice Enchanté, à Besançon.
Nous avons souhaité rédiger un article complet à propos de la Pive et vous présenter les différents acteurs participant à cette initiative locale : une salariée de l’association La Pive, un particulier utilisateur de la Pive et une professionnelle acceptant le paiement en pives et les utilisant également.
Présentation de la Pive et des valeurs qu’elle véhicule, du point de vue de chacun !
Mes investigations sur la Pive ont débuté par un échange riche et agréable avec Marie Hocquet. Cette jeune femme a rejoint l’équipe salariée de La Pive il y a peu et y travaille à temps partiel. L’équipe salariée de La Pive compte six membres correspondant à trois Equivalent Temps Plein : une personne en charge de la coordination au sein de la structure, une personne dédiée au développement professionnel, une autre dédiée à la gestion des bénévoles, une personne en charge des relations avec les collectivités, une autre en charge de l’administratif et enfin, Marie Hocquet.
L’association La Pive est une association Loi 1901, ayant le statut d’association à but non lucratif. Elle est composée d’un Conseil d’Administration ( qui se réunit toutes les six semaines) qui comprend deux Co-Présidents, d’un Bureau (qui se réunit toutes les deux semaines) et de 12 groupes locaux de bénévoles. Comme toute association, les bénévoles y jouent un rôle important, voire essentiel. Dans chaque groupe local on retrouve un Trésorier, une personne en charge du développement de la Pive, et une autre en charge de la gestion des réseaux sociaux. Chaque groupe local bénéficie d’une adresse mail et d’une page Facebook qui leur sont propres.
Marie me narre la naissance de la Pive : cette dernière a été créée en 2014, suite à l’entrée en vigueur de la Loi N°2014-856 du 31 Juillet 2014 relative à l’Economie Sociale et Solidaire, plus connue sous l’appellation Loi ESS.
2017 marque le début de la mise en circulation des billets de pive :
A ce jour, 130 000 pives circulent en Franche-Comté : 100 000 pives sous forme matérielle (uniquement des billets de 1,2, 5, 10 ou 20 PIVE. Pas de pièces de monnaie) et 30 000 pives via le portefeuille numérique qui est entré en application récemment.
Fin 2022, le portefeuille numérique, via L’App’Pive, est lancé et chaque utilisateur peut régler ses achats par le biais de cette application, après une phase de tests courant 2022.
La pive a une valeur équivalente à l’Euro : 1 pive = 1 Euro.
L’impression des billets s’est faite à Ornans, et ces derniers sont centralisés au siège social de l’association, basé Rue Battant à Besançon.
Les utilisateurs des pives peuvent venir échanger leurs euros contre des pives soit au siège de l’association ou soit auprès des professionnels faisant office de comptoir d’échange.
Sur la ville bisontine, neuf professionnels sont comptoirs d’échanges. Leur liste, tout comme les autres informations relatives à la Pive, sont consultables à l’adresse du site internet de l’association : https://www.pive.fr/.
Marie me présente ensuite les valeurs fondatrices de la Pive, à savoir une monnaie complémentaire, et non alternative, éthique, solidaire, locale et citoyenne.
Ethique : les transactions sont transparentes et la monnaie circule de manière continue. La Pive n’est pas détenue par une seule et unique instance et n’a pas vocation à être capitalisée. En circulant, les pives créent une dynamique.
Solidaire : la Pive étant utilisable sur la région géographique de la Franche-Comté, cela favorise et encourage les production et consommation locales. Les circuits courts sont ainsi privilégiés.
Locale : la consommation de produits et services locaux est favorisée à travers la Pive qui a un secteur géographique limité. Les personnes disposant de pives peuvent les dépenser uniquement sur la Franche-Comté.
Citoyenne : la création de la Pive a été portée par des citoyens. La Pive se veut œuvrer en faveur d’une transition écologique et sociétale.
Mais concrètement, comment se procurer les pives et comment les utiliser ?
Comme évoqué ci-avant, il faut se rendre soit au siège social de l’association soit auprès d’un comptoir d’échange pour obtenir des pives.
Mais il faut effectuer une première démarche au préalable, à savoir adhérer à l’association. L’adhésion est libre, consciente et solidaire.
L’adhésion est un préalable obligatoire que ce soit pour les particuliers ou les professionnels. Pour les professionnels, l’adhésion est fonction du nombre de salariés.
Pour les particuliers, l’adhésion est libre. C’est à partir de 10 euros que l’adhésion permet de contribuer au fonctionnement de l’association. L’adhésion est faite par année civile.
Une fois l’adhésion effectuée, l’adhérent peut convertir la somme de son choix en pives. Il lui est possible de revenir échanger des pives en Euros. En effet, les pives ne pouvant pas être déposées sur un compte bancaire, il peut parfois être difficile, notamment pour les professionnels, de dépenser en intégralité les pives.
C’est justement là le rôle d’Angie, en charge du développement des professionnels : œuvrer pour que les professionnels qui se font rétribuer en pives puissent les utiliser ensuite à leur tour au maximum auprès de leurs fournisseurs. Le but est de créer un maillage sur toute la chaîne de production et de consommation.
L’association La Pive oeuvre pour démocratiser et développer le recours à cette monnaie complémentaire.
En 2019, l’association comptait plus de 1 000 adhérents.
Fin 2022, le COVID ayant là aussi laissé des séquelles, l’association dénombrait un peu plus de 700 adhérents. Environ 150 professionnels ont adhéré à La Pive dans le Besançon Métropole.
Mais que deviennent les Euros encaissés par le siège de l’association ou par les comptoirs d’échange ? Et quelles garanties sont offertes aux utilisateurs si la Pive venait à disparaître ?
Les Euros récoltés en contrepartie des pives sont déposés sur un Fonds de garantie ouvert auprès de la NEF. La NEF est une coopérative bancaire œuvrant pour une société plus juste et durable.
Chaque Euro déposé auprès de la NEF par l’association est doublé par la NEF qui ensuite utilise cet argent pour soutenir des projets éthiques en Franche-Comté.
Si la Pive venait à disparaître, les adhérents récupéreront les Euros équivalents par le biais du Fonds de garantie.
L’association fait partie du Mouvement SOL : « Le Mouvement Sol oeuvre au service d’une société plus écologique, démocratique et solidaire. Pour cela, il concentre son action et ses réflexions sur la monnaie comme levier de transition ». (https://sol-monnaies-locales.org/mouvementsol).
Et elle compte une adhérente non négligeable, à savoir la ville de Besançon. Marie m’indique ainsi que certaines régies sous la coupe de la ville acceptent les paiements en pives, comme la citadelle et la piscine de Chalezeule.
Plusieurs membres du Conseil municipal ont fait le choix de percevoir une partie de leurs indemnités en pives, comme Anthony Poulin, fidèle utilisateur de la Pive depuis cinq ans.
Lors de notre entretien téléphonique, Anthony Poulin m’indique avoir intégré la Pive dans son quotidien et effectuer la majorité de ses courses alimentaires auprès des commerçants acceptant les pives. Cela contribue pour lui à une économie locale et plus durable, et peut également favoriser le lien avec les commerçants. Anthony Poulin a fait le choix, comme dix autres élus municipaux, de percevoir une partie de ses indemnités en pives. Ces dernières sont alors versées directement sur son portefeuille numérique. Pour ce faire, Anthony Poulin a dû remplir un mandat autorisant le Trésor public à verser le montant qu’il a choisi sur son portefeuille numérique. Les élus choisissent le montant et la durée du versement en pives. Anthony Poulin nourrit la volonté de participer à une économie sociale et solidaire à travers ce choix et souhaite que la Pive continue à se démocratiser.
J’ai terminé mon « enquête » sur la Pive par une rencontre avec Eva Oberson au sein de son café-boutique Le Calice Enchanté, situé Rue Peclet à Besançon.
Eva m’a reçu avec chaleur et simplicité. Elle me confie avoir souhaité adhérer à La Pive très peu de temps après l’ouverture de son enseigne. Et les éléments se sont alignés puisque La Pive est venue à elle pour concrétiser ce projet solidaire. Pour Eva, c’était une évidence de permettre à ses clients de pouvoir régler en pives, et de participer ainsi à une économie locale et durable. Eva dépense les pives récoltées auprès des fournisseurs et marchands bisontins auprès desquels elle effectue ses achats pour son café-boutique. Cette démarche lui tenait à coeur et correspond avec ce qu’elle propose au sein de son établissement : du frais, du local et une nourriture responsable.
2 à 5% de ses clients règlent en pives et un tiers de ces règlements est effectué via L’App’Pive.
L’association La Pive est présente et fait régulièrement le point avec le Calice Enchanté.
Eva souhaite voir la Pive gagner en ampleur car c’est pour elle synonyme de consommer de manière éthique et solidaire.
Je vous invite chaleureusement à aller déguster un plat ou une tisane au sein de cet établissement plein de charme et à régler vos consommations en pives !
En guise de conclusion, je tiens à remercier Marie Hocquet, Eva Oberson et Anthony Poulin pour leur disponibilité et leur accueil.
La rédaction de cet article m’aura permis de rencontrer des personnes qui nourrissent toutes le souhait de participer, chacune à son niveau, à une économie locale et durable, et à plus grande échelle, à un monde plus solidaire et responsable. Et cela fait du bien !
Agnès Gourvennec, Juriste CTRC-FC